La prière de Aleinou – La protection complète du Shefa des mondes spirituels

 


La prière de Aleinou – La protection complète du Shefa des mondes spirituels

Après avoir provoqué l’union des Séphirot du monde d’Atsilout et fait descendre la lumière vers les mondes spirituels inférieurs, nous utilisons la prière de Aleinou pour la sceller contre la Sitra A’hra (le côté opposé à la sainteté).

Aleinou est aujourd’hui une partie si centrale de chaque téfilah qu’il est difficile d’imaginer prier sans elle. Pourtant, de manière surprenante, des siècles se sont écoulés avant qu’elle n’atteigne une place aussi importante dans la prière quotidienne. À l’origine, les Juifs ne récitaient Aleinou que durant Moussaf de Roch Hachana et Yom Kippour.

Pendant longtemps, les avis ont divergé sur la récitation quotidienne de Aleinou. Ainsi, le Sidour de Rav Amram Gaon et le Rambam (décédé en 1204) ne mentionnent pas du tout Aleinou dans les prières quotidiennes. Le premier livre à en parler est le Ma’hzor Vitry, qui mentionne seulement sa récitation après Cha’harit. Rav Eliezer de Worms (décédé en 1273) l’évoque également uniquement dans le contexte de Cha’harit dans son Sefer haRokeach (chapitre 324).

Le Méïri (décédé en 1315) adopte une position intermédiaire, considérant Aleinou comme un moyen de retarder le départ de la synagogue.

La Kabbale de la prière de Aleinou
L’ensemble du seder de la prière a une structure précise et un objectif profond. C’est pourquoi, selon la Kabbale, on ne saute pas les Korbanot (les sacrifices).

Comme mentionné dans d’autres textes, nous œuvrons à la réparation des Partzoufim de Zeïr Anpin (les 6 Séphirot) et de Noukva (Malkhout). En réalité, chaque acte d’Avodat Hachem participe aussi à la réparation des Partzoufim supérieurs : Abba (’Hokhmah), Imma (Bina) et Arikh Anpin (Keter), eux aussi affectés par la brisure des réceptacles du monde de Nekoudim.

La prière de Cha’harit vise à réparer les réceptacles internes du Partzouf du jour en cours. Min’ha répare les réceptacles intermédiaires de ce Partzouf, et Ma’ariv s’attache aux réceptacles externes.

À chaque moment de prière, nous reconstruisons le Partzouf spécifique trois fois, réalisant l’union entre Yaakov (partie supérieure de Malkhout) et Rachel (partie inférieure de Malkhout) durant les 19 bénédictions de l’Amidah. Ensuite, la Lumière descend dans les mondes spirituels de Beriya, Yetsira et Assiya, pour que nous puissions tous bénéficier de ce Shefa (abondance divine).

Cependant, l’Ari Zal explique dans Sha’ar HaKavanot qu’en vue d’éviter que ce Shefa ne soit dérobé, nous devons dire la prière de Aleinou Léshabéa’h, laquelle agit comme un bouclier protecteur contre la Sitra A’hra. C’est pourquoi Aleinou devrait être récité durant les trois prières journalières : matin, après-midi et soir.

Mais cela n’a pas toujours été ainsi…

Le débat sur la récitation de Aleinou

Lorsque le Tour décéda en 1343, il fit une brève allusion à la récitation de Aleinou (O.C. 133). Cependant, le Choul’han Aroukh (132:2) resta silencieux sur le sujet, affirmant strictement : « Il est interdit de quitter la synagogue avant la Kedousha de la Sidra (U’va L’Tziyon). »

Le Rema ajouta : « Après la prière, on dit Aleinou debout », mais sans mentionner sa récitation après Min’ha ou Ma’ariv.

Le Magen Avraham, en 1683, ouvrit la voie à une inclusion plus large de Aleinou après chaque prière. S’appuyant sur des manuscrits plus anciens, il affirma : « On doit le dire après chaque téfilah. » Le Choul’han Aroukh du Ari Zal confirma cette position en déclarant : « Concernant Aleinou, sache que c’est une louange d’une grandeur infinie ; c’est pourquoi on doit la réciter après les trois prières quotidiennes, et non suivre ceux qui la limitent à Cha’harit uniquement. »

Le Michna Beroura (O.C. 426, B.H. U’mevarekh) apporte un éclairage supplémentaire, expliquant la récitation de Aleinou après le Kiddouch Lévana :
« J’ai entendu une explication convaincante de la raison pour laquelle de nombreux endroits ont la coutume de réciter Aleinou après Kiddouch Lévana. C’est pour éviter que les gens pensent à tort que, lorsque nous sortons pour accueillir la lune et nous réjouir sous elle, nous lui rendons hommage.

C’est pourquoi nous disons Aleinou, déclarant fermement : ‘Hachem est le Maître dans les cieux au-dessus — il n’y en a pas d’autre.’ Notre intention est uniquement de témoigner de la puissance du Saint, béni soit-Il, qui, de Sa volonté, illumine tous les habitants du monde. »

D’autres perspectives existent quant à la récitation de Aleinou lors d’une brit milah, soulignant le passage de l’enfant du statut de « semblable aux nations du monde » à celui d’entrer dans l’alliance du peuple juif. À travers ces diverses coutumes et explications, la signification de Aleinou se révèle comme une expression multifacette de louange, de reconnaissance et de distinction dans le tissu liturgique du judaïsme.

Qui a composé la prière de Aleinou ?
Aleinou est un élément central des Mal’houyot de Roch Hachana, généralement attribué à l’Amora Rav, mais il est aussi lié de manière intrigante à Yéhochoua Bin Noun, comme l’indique une téchouva de Rav Haï Gaon citée dans le Sefer Yad Nééman.

Répondant à une question sur la récitation de Aleinou en dehors d’Erets Israël alors que Yéhochoua l’aurait formulée en Terre d’Israël, cette téchouva clarifie la distinction : Aleinou ne faisait pas partie du service rituel du Beit HaMikdash, lequel est strictement interdit hors de la Terre. Aleinou est considéré comme un service verbal, et non comme une action physique, rendant sa récitation permise en dehors de la Terre.

Pour soutenir cette position, la réponse cite des exemples parallèles, comme les prières Retze et Ishei Israël, qui accompagnaient autrefois les services du Beit HaMikdash. Malgré la cessation de ces services physiques, la récitation des prières correspondantes a persisté.

En somme, cette réponse souligne que Aleinou, introduit à l’origine par Yéhochoua Bin Noun, transcende les frontières géographiques, demeurant une expression verbale de service divin qui perdure au-delà des limites de la Terre d’Israël.

La prière de Aleinou — Entre conquête, mystique, martyre et censure

L’intuition de Ra’hav dans le Livre de Yéhochoua (2:9–11) révèle un lien fascinant avec la prière de Aleinou. En s’adressant aux deux espions envoyés par Yéhochoua, Ra’hav reconnaît que Hachem a donné la Terre au peuple d’Israël, et affirme la souveraineté divine « dans les cieux au-dessus et sur la terre en bas », une déclaration qui fait écho à la proclamation centrale de Aleinou.

Le ‘Hida approfondit l’association entre Aleinou et Yéhochoua. Il note que cette prière fut instituée par Yéhochoua bin Noun, descendant de Yossef, désigné dans la Torah comme un shor (taureau). Fait remarquable : Aleinou LeShabea’h a pour guematria 506, identique à celle de shor. L’établissement de Aleinou par Yéhochoua est aussi lié à la conquête de Yeri’ho, où il fit le tour de la ville sept fois, invoquant à chaque tour le Nom de 42 lettres.

Les initiales de Ana Beko’a’h Guedoulat Yemin’ha Tatir Tseroura correspondent également à la valeur numérique de Aleinou LeShabea’h, soulignant les événements miraculeux associés à ce Nom divin caché.

Dans le siddour de Rav Yaakov Emden, un parallèle supplémentaire est établi entre Aleinou et Yéhochoua. La phrase Al ken nekaveh contient les initiales du nom A’han, l’homme qui vola les butins de Yeri’ho. Nos sages dans le Talmud racontent qu’A’han confessa sa faute et pria pour la techouva de tous les méchants du monde.

Ce réseau d’associations montre que la prière de Aleinou est une composition profondément ancrée dans les événements de Yeri’ho, servant à repousser la Sitra A’hra, comme les murailles de la ville tombèrent grâce à l’intervention divine.

Ainsi, la prière contient des résonances de l’intervention de Hachem, du symbole du taureau lié à Yossef, et même de la repentance d’A’han.

Al Kiddoush Hachem – Le martyre de Blois (26 mai 1171 / 20 Sivan 4931)
Un événement tragique a scellé un lien profond entre Aleinou et le concept de mourir al kiddoush Hachem (en sanctification du Nom divin). Cela eut lieu à Blois, dans le nord de la France, à la suite de la première accusation de meurtre rituel en Europe continentale.

Dans le Sefer Zechirah de Rabbenou Ephraïm de Bonn, il est rapporté qu’environ trente Juifs, hommes et femmes, choisirent le martyre plutôt que la conversion.

Yits’haq bar Eléazar fut faussement accusé par un soldat chrétien d’avoir noyé un enfant chrétien. Sous l’impulsion d’un prêtre rusé, un « jugement » fut mis en scène : le soldat fut jeté dans une eau prétendument « sainte » et flottant, ce qui fut interprété comme preuve de la véracité de ses accusations.

Les Juifs de Blois furent emprisonnés et sommés de choisir entre la conversion et la mort. Ils choisirent la fidélité à la Torah. Enfermés dans une maison de bois entourée de ronces, ils furent brûlés vifs. Tandis que les flammes s’élevaient, ils chantèrent un chant qui, d’abord doux, devint puissant et clair.

Les témoins demandèrent quelle était cette mélodie. On leur répondit : « C’est le début de Aleinou : ‘Il nous incombe de louer le Maître de tout…’ »

Cet épisode dramatique laissa une empreinte indélébile. Les communautés juives d’Orléans, de France, d’Angleterre et de Rhénanie instituèrent le 20 Sivan comme jour de jeûne et de deuil. Aleinou, chanté par ces martyrs, devint un hymne solennel de mémoire collective.

La censure de Aleinou
Au Moyen Âge, une phrase de Aleinou suscita une vive controverse :
« Car eux se prosternent devant la vanité et le vide (va’rik), et prient un dieu qui ne sauve pas », une citation de Yéchayahou 45:20.

Vers 1400 (5140), un apostat juif nommé Pessa’h Peter affirma que la valeur numérique de va’rik (316) équivalait à celle de Yeshu (Jésus), prétendant que c’était une insulte déguisée contre la divinité chrétienne. Cette affirmation fut relayée par des antisémites comme Antonius Margarita (dans The Belief of the Jews, 1530) et Samuel Friedrich Brenz.

Le polémiste Johann Andreas Eisenmenger (1655–1704) accusa même les Juifs de cracher après cette phrase, renforçant cette offense supposée. Il relia cela au mot rok (salive), proche de rik phonétiquement. Le Shelah HaKadosh, conscient du danger, déconseilla cette coutume.

Personnellement, je ne considère pas approprié de cracher dans une Beit HaKnesset, mais c’est un avis personnel.

Des efforts pour prouver que Aleinou fut composé en Babylonie (où il n’y avait pas de chrétiens) n’eurent pas l’effet escompté. En 1703 (5463), le roi de Prusse ordonna la suppression de ce passage. Les h’azanim durent omettre cette phrase, et des inspecteurs furent dépêchés pour faire respecter l’édit. Ainsi, cette phrase disparut des siddourim ashkénazes.

Restauration contemporaine
Plus récemment, certains rabbanim, comme Rav Yéhochoua Leib Diskin (Mahril), plaidèrent pour sa réintégration. Aujourd’hui, la majorité des siddourim modernes réintègrent cette phrase, marquant un retour à la récitation complète de Aleinou dans les communautés juives du monde entier.

Puissions-nous mériter de faire descendre toute la lumière dont nous avons besoin.

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