Le Chofar : Un récit saisissant de Roch Hachana depuis le ghetto

 


Le Chofar : Un récit saisissant de Roch Hachana depuis le ghetto

Jusqu’où les Juifs sont-ils prêts à aller pour accomplir la mitsva du Chofar à Roch Hachana ?

Roch Hachana et les Yamim Noraïm (Jours redoutables) occupent une place centrale dans le cœur du peuple juif à travers le monde. Ces jours de crainte et de solennité résonnent profondément, non seulement auprès de ceux qui observent activement les mitsvot, mais aussi auprès de ceux qui ne franchissent le seuil de la synagogue qu’en ces occasions. Ce phénomène, souvent qualifié de « Juif de la porte tournante », illustre le lien latent mais puissant que beaucoup ressentent envers ces jours sacrés.

Le Chofar dans la Kabbale : puissance cosmique et cri de l’âme

En Kabbale, le Chofar joue un rôle central dans le service de Roch Hachana. Il détient une puissance de transformation extraordinaire. Le son du Chofar est semblable à un cri primordial, un cri brut qui émane des profondeurs de l’âme, exprimant son ardent désir de renouer avec Hachem.

Ce son unique n’est pas produit par un instrument de musique harmonieux, mais par une simple corne creuse – une image du Yessod de Arikh Anpin, d’où émanent les voix (kolot) capables d’adoucir les rigueurs du jugement (dinim). Chaque son du Chofar fait descendre les Mokhin (consciences divines) et brise les barrières spirituelles, permettant à la lumière de l’âme de se révéler avec plus de pureté.

Le souvenir de l’Akédat Yitzhak : soumission et miséricorde

Le Chofar évoque également l’Akédat Yitzhak (la ligature d’Yitzhak), où Avraham Avinou, prêt à sacrifier son fils, voit un bélier se substituer à lui. Sur le plan kabbalistique, ce moment marque à jamais la structure du monde : il représente la soumission ultime à la volonté divine et la capacité de transformer un jugement sévère en une miséricorde infinie.

Le son du Chofar est ainsi imprégné de la force du sacrifice, de la rédemption et de la transformation. Il résonne dans les mondes supérieurs comme un écho du mérite d’Avraham et d’Yitzhak, adoucissant les décrets, réveillant la compassion divine, et renforçant notre lien avec le Créateur.

Jusqu’où allait-on pour entendre le Chofar ?

Des récits héroïques du passé témoignent de la détermination sans faille de Juifs dans les ghettos, les camps, ou sous l’oppression, qui risquaient leur vie pour entendre le son du Chofar. Certains le cachaient dans des morceaux de tissu, d’autres soufflaient rapidement dans un coin obscur, entourés de guetteurs silencieux.

Pourquoi tant de risques ? Parce que le Chofar est plus qu’un son. Il est une mémoire, une promesse, une délivrance. Il est la voix de l’âme lorsqu’elle se rappelle qu’elle vient d’en haut, qu’elle appartient à un royaume de vérité et de lumière. En soufflant dans un simple instrument animal, le Juif déclare au monde entier – et à lui-même – qu’il vit encore, qu’il croit encore, et qu’il attend encore la rédemption.

Qu’il soit entendu dans un palais ou chuchoté dans un ghetto, le son du Chofar demeure l’un des cris les plus puissants que l’humanité ait jamais soufflé vers le ciel.

Un récit de courage et de foi sous les yeux du roi

L’une des histoires les plus captivantes associées à Roch Hachana concerne Don Fernando Aguilar. C’est le genre de récit que l’on pourrait qualifier de « si ce n’est pas arrivé, cela aurait pu arriver ». Cette narration incarne la résilience et l’ingéniosité de l’âme juive face à l’oppression.

Lors d’une visite officielle en Espagne pour commémorer le 800e anniversaire du décès du Rambam, le Grand Rabbin d’Israël, Rav Yona Metzger, partagea avec le roi Juan Carlos un récit poignant illustrant la pratique secrète mais vibrante du judaïsme sous des conditions hostiles.

Plus de cinq siècles auparavant, après l’expulsion des Juifs d’Espagne, ceux qui restèrent durent cacher leur foi. À Roch Hachana, se posait un dilemme : comment sonner le Chofar sans éveiller de soupçons ? La solution vint de Don Fernando Aguilar, un talentueux marrane et chef d’orchestre royal. Il proposa au roi un concert d’instruments à vent anciens, stratégiquement prévu pour Roch Hachana. Le clou du spectacle : le Chofar, présenté comme un artefact historique. Grâce à cette ruse, les marranes purent accomplir la mitsva, sans se mettre en danger.

Échos historiques de Roch Hachana 1940

Le message de Roch Hachana ne se limite pas aux récits du passé lointain. En 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale, Roch Hachana coïncida avec Chabbat, posant un sérieux défi aux soldats juifs. Rav Yaakov Breish de Zurich fut interrogé sur une question halakhique poignante : ces soldats pouvaient-ils voyager durant Chabbat pour entendre le Chofar si c’était leur seule chance d’accomplir la mitsva ?

En s’appuyant sur des précédents halakhiques concernant les déplacements avant Chabbat, Rav Breish permit aux soldats de retourner à leurs postes durant Chabbat après avoir assisté aux offices. Bien que certains Rabbanim auraient probablement contesté ce verdict, il se montra strict sur un autre point : l’interdiction d’écouter le Chofar par radio ou haut-parleur. Il insista sur l’exigence halakhique fondamentale — issue d’une Michna — que le son entendu soit direct, et non un écho ou une reproduction.

Réflexion et pertinence

Ces histoires liées à Roch Hachana illustrent non seulement la persévérance du peuple juif, mais aussi la profondeur de son attachement spirituel à cette journée sainte. À travers ces récits, c’est un héritage de foi, de ténacité et de sainteté que nous transmettons, un message intemporel d’engagement envers Hachem malgré les circonstances les plus extrêmes.

Le ghetto de Kovno : une épreuve de foi

Sous l’oppression nazie dans le ghetto de Kovno, la communauté juive affronta des défis inimaginables qui éprouvèrent leur émouna et leur force intérieure. Rav Ephraïm Oshry (1914–2003), leader spirituel éminent de cette période, fut confronté à des décisions halakhiques déchirantes qui révélèrent la grandeur de l’esprit juif.

À l’approche de Roch Hachana 5703 (1942), un décret nazi interdit toute prière publique sous peine de mort. Malgré ce danger, des minyanim clandestins furent organisés. Rav Oshry témoigne de cette ferveur inébranlable : des hommes et des femmes prêts à risquer leur vie pour sonner le Chofar, pour prier ensemble.

L’une des questions les plus poignantes posées à Rav Oshry concernait un homme défiguré par la barbarie nazie. Pouvait-il être chalia’h tsibbour (officiant) ? Certains avis halakhiques considèrent qu’un homme portant des marques physiques visibles n’est pas apte à diriger la prière. Pourtant, en tenant compte de la situation exceptionnelle et du cœur pur de cet homme, Rav Oshry lui permit d’officier.

L’écho du Chofar dans le ghetto

Un autre dilemme poignant surgit à la veille de Roch Hachana, concernant l’utilisation d’un chofar endommagé. Rav Ephraïm Oshry fut interrogé : pouvait-on utiliser un chofar légèrement fêlé pour accomplir la mitsva essentielle d’entendre les sons du Chofar ? Après une analyse halakhique approfondie et en s’appuyant sur des précédents, Rav Oshry autorisa, dans une situation de grande détresse (sha’at hadechak), l’usage de ce chofar fissuré — car aucun autre n’était disponible.

Rav Tzvi Hirsh Meisels : Un chofar à Auschwitz

L’un des témoignages les plus bouleversants de Roch Hachana durant la Shoah nous vient de Rav Tzvi Hirsh Meisels, Rav de Weitzen, en Hongrie, avant d’être déporté à Auschwitz avec ses fidèles et ses élèves. Dans son ouvrage Mekadshei Hashem, il décrit les risques extraordinaires qu’il prit pour accomplir la mitsva de Teki’at Chofar.

Il réussit à faire entrer clandestinement un chofar dans Auschwitz – un lieu où la pratique de la moindre mitsva pouvait coûter la vie. Malgré le danger omniprésent, il allait de bloc en bloc pour faire sonner le chofar pour ceux qui en avaient soif.

« Baroukh Hachem, j’ai réussi à sonner les cent tekiot environ vingt fois », écrit-il, décrivant le réconfort profond et l’apaisement spirituel que cela procura, même dans ce lieu de ténèbres.

Une demande bouleversante

Le récit devient encore plus poignant lorsqu’il relate une rencontre avec un groupe de jeunes condamnés à mort. Ces garçons, au seuil de leur fin tragique, le supplièrent de leur faire entendre le chofar une dernière fois. Malgré le risque extrême — et les supplications de son propre fils, Zalman, qui craignait de devenir orphelin — Rav Meisels fut bouleversé par les cris de ces jeunes âmes. Il choisit de répondre à leur demande.

Cette décision illustre la foi inébranlable et le courage héroïque qui caractérisèrent sa direction spirituelle.

Le Shema Yisrael dans les ténèbres

Alors qu’il s’apprêtait à quitter le bloc, un jeune se leva et rappela à tous la puissance de l’espoir et de la émouna. Ensemble, ils récitèrent le Shema Yisrael – affirmant, face à la mort, leur foi absolue en Hachem. Ce moment d’unité et de transcendance résonne comme un cri d’éternité.

Héritage d’espoir et de rédemption

Le son du chofar n’est pas qu’un signal : c’est une alarme spirituelle, un appel à réveiller nos âmes, à rejeter le superficiel et à revenir sincèrement vers Hachem à travers la Téchouva.

Les enseignements de la Kabbale nous montrent le chofar comme un outil pour briser les barrières spirituelles. Et dans les récits déchirants de ses sons résonnant à Auschwitz, on perçoit le fil conducteur d’une foi inébranlable, même dans les lieux les plus sombres de l’histoire.

Ces histoires ne sont pas seulement des témoignages de la force d’âme des Juifs qui s’attachèrent à la Torah dans l’horreur ; elles nous rappellent aussi la capacité humaine à faire preuve de courage, de loyauté, de sainteté – même sous la menace.

Puissent les mérites de ces tekiot, soufflées au péril de la vie, hâter notre rédemption finale, celle qui sera annoncée par les sons du chofar d’Éliyahou Hanavi – bientôt, bimhérah beyamenou. En entendant l’écho du chofar ce Roch Hachana, souvenons-nous de son appel à la Téchouva. Réfléchissons. Reconnectons-nous. Et réengageons-nous vers une vie en harmonie avec notre être le plus pur, le plus sacré.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La puissance du Mazal – Quelle est la position de la Torah sur les loteries ?

Présentation du Cours – Lever les Blocages liés à l’Argent

La puissance des Téhilim – Clé du salut et 5 ségoulot connues pour leur utilisation