Le déconcertant dilemme de la Téfilah – Comprendre le manque de clairvoyance humaine face à l’œuvre élevée de la prière

 


Le déconcertant dilemme de la Téfilah – Comprendre le manque de clairvoyance humaine face à l’œuvre élevée de la prière

Nous manquons tous de clairvoyance, à des degrés divers. Pourtant, comprendre véritablement la Téfilah représente un défi bien plus grand.

J’ai vu un jour un message qui disait que, lorsqu’on prie, Hachem a trois réponses possibles :

  • Oui

  • Pas encore

  • J’ai quelque chose de mieux pour toi

Malgré la touche d’humour, il y a là une certaine vérité. La Téfilah est une chose très élevée, comme l’enseignent les sages dans le Talmud, traité Berakhot. Rabbi Na’hman enseigne dans le Likouté Moharan et le Likouté Etsot, entre autres, que la Téfilah peut accomplir pratiquement tout.

La Téfilah dépasse la nature et fait intrinsèquement partie de l’art des miracles. En fait, il ajoute que tous les miracles accomplis par Élisha HaNavi l’ont été grâce à la prière.

Le problème, bien sûr, c’est que nous ne voyons pas les choses se produire. On peut crier dans la Téfilah pendant des heures sans qu’un grain de poussière ne semble bouger dans le monde. Rares sont ceux qui peuvent dire qu’ils ont “obtenu ce qu’ils voulaient” par la Téfilah, et cette partie élevée de l’Avodat Hachem (le service divin) est celle qui semble le plus en souffrir.

Pourtant, les Sages (Taanit 2A) transmettent la sagesse selon laquelle la Téfilah constitue une offrande du cœur. Le verbe hébraïque désignant la prière, “Mitpalel”, est de nature réflexive, ce qui signifie un acte accompli sur soi-même. La Téfilah est une Mitsva au sens le plus simple.

L’état actuel de la prière véritable

Malheureusement, à notre époque, beaucoup ont réduit le concept profond de la Téfilah à une simple routine consistant à accomplir les trois prières quotidiennes — Cha’harit, Min’ha et Arvit — estimant ainsi avoir rempli leur obligation journalière.

Bien que cela soit techniquement exact selon la Halakha, cela soulève des questions cruciales sur la véritable nature et la signification plus profonde de la prière.

Que signifie réellement une Téfilah authentique, et quels mystères renferme-t-elle ?

Une prière authentique et percutante dépasse largement la simple énumération de demandes personnelles. Elle constitue l’outil le plus puissant pour opérer un changement réel dans la réalité. Pour les femmes en particulier, elle représente un canal exceptionnellement direct pour se connecter avec Hachem (pour les hommes, cette voie passe principalement par l’étude de la Torah).

Des récits historiques suggèrent que certains Richonim (sages du Moyen Âge, entre les Xe et XIIe siècles) récitaient la Téfilat HaDérekh (prière du voyage) pendant leurs prières. Pourquoi ? Parce qu’au cours de la Téfilah, ils atteignaient un état de transcendance mentale, quittant temporairement le monde physique pour accéder à des sphères spirituelles supérieures.

Revenir de ces hauteurs spirituelles était considéré comme potentiellement dangereux, alors ils priaient pour ne pas souffrir du choc du retour.

Dans les écrits du Rav ‘Haïm Vital, le principal disciple du vénéré Arizal, il est expliqué que le but fondamental de la Téfilah est de récupérer les étincelles saintes issues de la “brisure des récipients” ayant eu lieu avant la création du monde physique que nous connaissons.

Par la Téfilah, ainsi que par toutes les autres Mitsvot, nous nous engageons dans l’entreprise profonde d’identifier ces fragments spirituels en nous-mêmes et de les élever à leur source divine, amenant ainsi des bénédictions dans les sphères supérieures comme dans les sphères inférieures de l’existence.

Les dynamiques des mondes spirituels

Comme je l’ai déjà écrit (dans cet article), Hachem, dans Sa sagesse profonde, a structuré de nombreux “mondes spirituels” pour servir de filtres à Sa Lumière infinie. Comme un orfèvre affine ses matériaux, Hachem a choisi de différencier le saint du profane en “brisant” plusieurs de ces mondes spirituels.

Les vestiges de ces mondes brisés se manifestent sous forme de diverses “carences” que nous rencontrons dans nos vies — qu’il s’agisse de problèmes de santé, de moyens de subsistance, de préoccupations concernant les enfants ou de difficultés relationnelles.

Nous avons mentionné dans plusieurs articles que le but des Mitsvot est de réparer les mondes spirituels et leurs Partzoufim. En réalité, tout manque provient du fait que ces systèmes spirituels sont dans un état de “brisure” (Tohou) et non dans un état de Tiqoun (réparation).

Hachem veut évidemment que nous ayons tout, mais une partie du “service” consiste à amener la lumière dans les Partzoufim, les réparer et provoquer la descente de la bénédiction souhaitée. Tout doit d’abord se produire dans les mondes supérieurs avant de se produire ici-bas : c’est cela, être véritablement un “partenaire de Dieu”. Dans les mots du Ba’al Chem Tov dans Tzava’at HaRivash, “il faut souffrir du fait que la Chékhina (Malkhout d’Atsilout) souffre”.

Autrement dit, de la même façon qu’une personne manque de santé, de richesse ou d’enfants, il y a un aspect de la Chékhina qui est lui aussi en manque. Lorsque nous réalisons ce Tiqoun dans les sphères supérieures, il se répercute automatiquement ici-bas.

Hachem nous envoie des problèmes afin que nous les réparions par la Téfilah. En le faisant, nous nous tournons vers Lui, ce qui constitue en soi une réparation de cet aspect spécifique de la faute d’Adam HaRichon qui a provoqué le problème en premier lieu.

Une nouvelle approche de la Téfilah

Bien entendu, tout ce que l’on demande n’est pas nécessairement bon pour nous. La Guemara (Moëd Katan 18b) rapporte un cas classique : un homme désirait épouser une femme qu’il convoitait. Rava lui dit de cesser ses prières, car ce n’était pas une bonne Téfilah. Son argument était que si cette femme lui était destinée, il l’obtiendrait ; sinon, il devrait simplement prier pour recevoir celle qui lui est réellement destinée.

Alors que les prières de cet homme restaient sans réponse et qu’il tombait dans le désespoir, Rava entendit de nouveau sa supplication. Cette fois, l’homme implorait qu’il meure, ou que la femme meure, avant qu’elle n’épouse un autre. Rava le réprimanda sévèrement, réitérant son avertissement : « Je t’ai déconseillé de prier de cette manière. »

Les commentaires offrent des interprétations variées de l’objection de Rava. Selon Rachi, Rava s’inquiétait de la possibilité que la femme meure, soulignant que certains aspects du zivoug (partenaire destiné) dépassent l’influence humaine.

En revanche, l’un des Tossafot, disciple du Rav Yé‘hiel de Paris, dans son ouvrage Nimoukei Yossef, estime que la prière peut effectivement influencer le cours d’un partenariat destiné. Cependant, il suggère que cette intervention peut conduire à un résultat moins favorable, car elle vise à permettre l’émergence du véritable couple voulu.

Dans une autre optique, le Ritva affirme que la prière et des actes de dévotion exceptionnels peuvent effectivement changer son partenaire destiné, sans conséquences négatives. Le refus de Rava viendrait ici de sa clairvoyance : il savait que cette union ne serait pas harmonieuse.

En somme, ce passage talmudique met en lumière le débat complexe autour de l’influence de la prière sur le concept de zivoug, avec des perspectives variées sur les résultats possibles de telles requêtes.

Dans ces cas, comme dans bien d’autres, ce que nous demandons n’est pas toujours pour notre bien ultime. Une voiture peut servir à tuer celui qui l’achète ; ainsi, il peut être dans son intérêt de ne pas conduire.

Je pense que l’assurance-vie mérite une mention spéciale, tant de personnes louent le fait d’en souscrire une.

Mais voilà : peut-être que l’homme qui souhaite souscrire une assurance-vie est en fait destiné à mourir. Mais Hachem retient Son décret parce que cet homme est le soutien principal de sa famille — sa femme et ses enfants seraient laissés dans le dénuement.

Arrive l’assurance-vie, et tous les problèmes sont « résolus » !

L’homme peut mourir, et sa famille recevra l’argent nécessaire. Bien sûr, Hachem pourrait faire mourir un homme et subvenir quand même aux besoins de sa famille, sans l’assurance-vie.

Mais parfois, les bénédictions que nous pensons recevoir sont une autre forme d’intensification des dinim (jugements). La manière d’agir d’Hachem est principalement centrée sur la dissimulation et le fonctionnement selon la “voie naturelle”. Parfois, une personne est décrétée pour recevoir une bénédiction ou subir un événement d’une certaine manière, parce qu’elle doit « payer » dans une autre forme.

Parfois, tout cela est nécessaire jusqu’à ce que « la paille casse le dos du chameau ».

Parfois, ne pas obtenir ce que l’on veut est la plus grande bénédiction, car tout est pour le bien.

Les Téhilim comme forme de prière

J’ai écrit un autre article j’explique certains secrets de la prière. La Téfilah peut aussi inclure les Téhilim, d’ailleurs.

Rabbi Na’hman de Breslev a dévoilé l’existence de dix catégories distinctes de chants, issues de son célèbre Tiqoun HaKlali, qui comprend les Psaumes 16, 32, 41, 42, 59, 77, 90, 105, 137 et 150. Ces catégories sont : Ashrei, Berakha (bénédiction), Maskil (l’éclairé), Nitsoua’h, Chir, Nigoun, Mizmor, Tefilah, Hoda’ah (remerciement) et Hallelouyah. Ces dix psaumes possèdent le pouvoir de réparer les fautes d’ordre sexuel, comme l’ont expliqué plusieurs kabbalistes renommés, notamment Rabbi Eliezer Papo (auteur du Pélé Yoets) et Rabbi ‘Haïm Palaggi (auteur du Kaf Ha‘Haïm).

Un ouvrage précieux connu sous le nom de Shimouch Téhilim (utilisation des Téhilim), souvent attribué au grand Richon Rav Haï Gaon ben Cherira, décrit de nombreuses applications puissantes de ce livre sacré. Il est accessible ici : (https://halakhah.com/rst/tehillim.pdf)

Bien que la récitation des Téhilim ait une grande importance, il est essentiel de se rappeler que toute délivrance et guérison proviennent en dernier ressort d’Hachem. C’est vers Lui que nous devons nous tourner, dans la Téchouva, sans cesse.

Le Rambam, dans ses lois sur l’Avoda Zara (Chapitre 12), interdit explicitement l’utilisation des versets de la Torah comme incantations, condamnant ceux qui « transforment les paroles de la Torah en remède pour le corps, alors qu’elles sont un remède pour l’âme ».

Cependant, il permet la lecture de versets ou de chapitres du Séfer Téhilim par une personne en bonne santé, dans l’intention que le mérite de cette lecture la protège des difficultés.

Remarques finales

Lorsqu’on s’engage dans la Téfilah, il ne suffit pas de se concentrer sur “ce qui me manque” ; il faut aussi se demander “pourquoi cela me manque-t-il ?” Explorer notre intériorité et embrasser sincèrement le service du cœur peut nous apporter des réponses profondes et nous guider vers ce qu’il convient de faire.

Rabbi Na’hman de Breslev, puisant dans une sagesse intemporelle, affirmait que prière et étude de la Torah sont deux piliers liés de l’élévation spirituelle. Par la Téfilah, on peut élargir sa conscience, s’élever vers des sphères d’amour, de compassion et de sagesse. Cela ne doit pas être sous-estimé.

Dans la perspective de Rabbi Na’hman, l’existence elle-même est imprégnée de l’essence de la prière, et inversement, la prière devient l’essence de la vie. Il enseigne que la Téfilah incarne un aspect de l’Emouna (la foi authentique), car elle constitue le lien avec le Créateur.

Dans la tradition breslev, l’accent est mis sur la pratique de l’Hitbodédout (retraite personnelle), pendant au moins une heure par jour, car cela conduit à un état d’abandon total devant Hachem. Celui qui goûte réellement à ce plaisir (ce qui demande du temps) voudra probablement le pratiquer chaque jour.

Rabbi ‘Haïm Vital offre une perspective profonde : de la même façon qu’aucun jour ne ressemble à un autre, aucune prière n’est identique, depuis la Création jusqu’à la fin des temps. Cette unicité vient du fait que chaque prière élève une étincelle spirituelle particulière, accomplissant ainsi notre mission unique.

Ainsi, même si les défis semblent se répéter, il est possible qu’une étincelle différente doive encore être élevée, ou que l’élévation n’ait pas encore été accomplie correctement.

De ces enseignements découle une grande leçon : la prière est avant tout un moyen d’introspection, de rectification personnelle et de préparation à mériter les bénédictions que nous demandons.

Que toutes vos prières soient exaucées rapidement, pour le meilleur !

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