Le Secret des deux mondes spirituels – Rachel et Leah
Le Secret des deux mondes spirituels – Rachel et Leah
Selon le Zohar, les femmes ont leurs âmes enracinées dans les mondes spirituels de Rachel et de Léa
Il est très difficile de parler de concepts aussi profonds, car notre perception est souvent limitée et obscurcie par des sagesses étrangères. Pourtant, il s’agit ici des dimensions des mondes spirituels d’Atsilout.
Selon la Kabbale, il existe un principe fascinant selon lequel nous sommes tous reliés aux grandes figures bibliques. Appelées « âmes générales », ces figures incarnent des facettes que nous partageons tous, distinctes des « âmes particulières », comme les nôtres. Ces grandes âmes nous offrent un lien direct, et leurs actions et enseignements se manifestent dans tous les recoins de la Création où nous posons notre attention.
Autrement dit, nous pouvons apprendre sur nos vies à travers elles, car nous faisons partie d’elles et traversons les mêmes épreuves et leçons — de manière plus subtile (ou parfois non subtile du tout).
Parmi ces figures, Rachel et Léa se distinguent comme paradigmes de l’essence de la Shekhina. Ce n’est pas une exagération : toutes les autres figures féminines de la Bible ne portent le nom de Shekhina que de façon empruntée. Seules Rachel et Léa incarnent véritablement cette essence, comme on le découvrira.
La source des mondes spirituels selon le Etz Haïm
Dans son œuvre maîtresse, Etz Haïm, Rabbi Haïm Vital enseigne qu’après la volonté divine de commencer la Création, Hachem a retiré Son Essence, mettant en place un système complexe de filtres pour voiler Sa Présence infinie (Ein Sof). Ce système avait un double objectif : Se révéler aux êtres inférieurs tout en dissimulant Sa splendeur pour préserver le libre arbitre.
Au centre de ce système se trouvent les Séphirot, qui servent de canaux transmettant la subsistance d’un niveau à l’autre, permettant à la Création d’exister par couches d’émanation.
Rabbi Haïm Vital montre l’interconnexion entre les personnages, les mots et les lettres de la Torah avec des Séphirot spécifiques. Ces Séphirot gouvernent chaque aspect de la Création, du microcosme à l’universel, englobant aussi bien l’individuel que le collectif.
La Shekhina, la Présence immanente de Dieu, se manifeste dans la Séphira de Malkhout (Royauté). Elle résidait dans le Tabernacle autrefois, et aujourd’hui elle se manifeste lorsqu’un quorum de dix hommes prie ou que des individus étudient la Torah ou accomplissent des Mitsvot.
La source de la Shekhina se trouve dans le plus haut des mondes, Atsilout, qui se divise en deux aspects : le supérieur, appelé Léa, et l’inférieur, Rachel. Il est généralement admis que plus un aspect est caché, plus il est élevé spirituellement.
Cela éclaire notre compréhension : Léa, représentant la Shekhina supérieure, était d’un niveau que Yaakov ne pouvait pas encore saisir. À ce moment de sa vie, il ne pouvait se connecter qu’à Rachel, le monde révélé. Ce n’est qu’en recevant le nom d’Israël qu’il put commencer à comprendre Léa.
Ce que nous pouvons apprendre de Rachel et de Léa
Rachel épousa Yaakov sept jours seulement après son union avec Léa. Décrite dans le Zohar comme l’Alma D’Itgaliah (le monde révélé), Rachel est mise en contraste avec Léa, l’Alma D’Itkassiah (le monde caché). En Kabbale, Rachel incarne un des noms de la Shekhina inférieure, correspondant à Malkhout, la Séphira de la Royauté. Léa, en revanche, est associée à un des noms de la Shekhina supérieure, représentant Bina, la Séphira de l’Intelligence, que peu peuvent atteindre directement.
Les âmes féminines tirent leur origine spirituelle soit de Rachel, soit de Léa, ce qui se manifeste à travers leurs personnalités. La Torah décrit Léa comme ayant « les yeux faibles », en raison de ses pleurs fréquents (initialement liés à son destin supposé d’épouser Ésaü, plus tard changé). Le commentaire de Rachi la décrit aussi comme la mère de Dina, qualifiée de Yatzanit — extravertie ou audacieuse. On en déduit que les femmes plus expressives et extroverties ont une racine dans Léa.
En revanche, Rachel fait preuve de retenue et de discrétion. Elle laissa Léa épouser Yaakov sans protester, et resta calme même lorsque Léa l’accusa de lui avoir volé « son mari » lors de l’épisode des Doudaim. Rachel incarne l’introversion, vivant ses luttes avec une expression plus intérieure.
Une différence essentielle réside dans le rôle de Rachel comme archétype de la Shekhina inférieure, par laquelle Hachem administre le monde. En tant que Malkhout, Rachel est le point central de la rectification de tous les mondes spirituels, avec Ze’ir Anpin. Léa (Bina), étant déjà en grande partie réparée, demande peu d’intervention.
Ainsi, les Kavanot (intentions mystiques) du Ari Zal se concentrent précisément sur la réparation de Malkhout, la dernière des Séphirot.
L’étude approfondie de Rachel et Léa
Rabbi Yossef Gikatilla, grand kabbaliste ayant précédé l’Ari Zal et Rabbi Haïm Vital, explore dans son œuvre majeure Sha’aré Orah la relation entre les mots de la Torah et les Séphirot. Cette œuvre a une importance immense pour approfondir la prière méditative et augmenter le flux de Shefa (abondance divine).
La Shekhina, incarnée dans Malkhout, joue de nombreux rôles, servant de canal pour la bénédiction et le jugement divins. Une grande partie de notre avodat Hachem consiste à adoucir ces jugements.
Parmi les nombreux noms associés à Malkhout, l’un des plus connus est אדני, exprimant la souveraineté divine. D’autres noms importants incluent ברכה (Béra’ha, bénédiction), באר (Be’er, puits [d’eaux vivantes]) et בתשבע (Bat-Sheva, la fille de 7), tous associés à Malkhout, Rachel et la Shekhina inférieure comme sources de bénédiction dans le monde.
Des noms plus ésotériques comme קול (Kol, voix), מקדש (Mikdash, sanctuaire) et אבן (Even, pierre) dissimulent aussi des secrets kabbalistiques profonds, liés à Malkhout.
Pendant la prière, se concentrer sur les significations multiples de ces noms renforce notre lien avec la Shekhina. Il est fondamental de rappeler que, bien que notre attention soit dirigée vers Hachem seul, comprendre Rachel Iménou, notre matriarche, nous permet de saisir le fonctionnement de Rachel, la Shekhina.
Le lien profond avec Rachel nous offre une proximité remarquable. En tant qu’incarnation de Malkhout, elle nous permet de nous connecter intimement à Hachem.
Leah, le monde caché
Une leçon très profonde découle du parcours de Yaakov : son incapacité initiale à apprécier Léa, comme l’indique la Torah en disant qu’elle se sentait « haïe », provenait de son manque de maturité spirituelle. Ce n’est qu’après sa lutte transformatrice avec l’ange d’Esav, au terme de laquelle il reçut le nom d’Israël, qu’il trouva la capacité de véritablement l’aimer.
Cela met en lumière une vérité fondamentale : on ne peut aimer ce que l’on ne comprend pas. Cela souligne le besoin pour chacun d’entre nous d’effectuer les rectifications nécessaires, les Tikkounim, pour accomplir pleinement notre potentiel dans la vie.
Rabbi Tzaddok HaKohen de Lublin insiste sur le fait que le Tikkoun principal d’un individu concerne souvent ce qui lui est le plus difficile. Par exemple, si une personne a tendance à être trop expansive, son travail de réparation consistera en partie à apprendre la retenue — et inversement — principe applicable à tous les traits de caractère.
Rachel, représentant le monde révélé, donna naissance à Yosef et Binyamin, dont la mission consistait à se préserver des impuretés extérieures.
L’épreuve majeure de Yosef fut de résister à la tentation que représentait la femme de Potiphar. Il résista à cette épreuve pendant près d’un an, bien qu’il fût sur le point de céder vers la fin. Sa victoire dans cette épreuve ardue fut grandement récompensée : il reçut l’honneur d’engendrer deux tribus.
En tant que père de l’un des deux rois messianiques, Yosef transmet une sagesse essentielle sur la préservation de la brit milah, particulièrement cruciale pour les hommes. Rabbi Na’hman de Breslev enseigne que les efforts de Yosef donnent aux hommes la force nécessaire pour préserver leur propre brit milah.
À l’opposé, Léa enfanta six tribus : Reouven, Shimon, Lévi, Yehouda, Issakhar et Zevouloun. Parmi eux, Yehouda se distingua particulièrement, devenant l’ancêtre du roi David et du Messie final. Le rôle de David était de s’aventurer dans le monde, de mener les combats et de guider le peuple. Même les autres tribus jouaient des rôles importants, reflet de l’association de leur mère avec le monde caché.
Midrash sur les deux épouses d’Adam
Un Midrash fascinant suggère qu’avant ‘Hava (Ève), Adam eut une autre épouse, elle aussi nommée ‘Hava. Toutefois, sa sévérité et sa personnification du Jugement sans atténuation (Guevouroth) entraînèrent un conflit entre eux. Le différend atteignit un tel point qu’Adam, utilisant un Nom divin, la tua, ce qui la transforma en reine des démons, qui tente les hommes dans leur sommeil.
Son nom reste tabou afin de ne pas l’attirer, mais il s’agit de Lilith (à ne pas prononcer).
À la suite de cet événement, Hachem donna à Adam la seconde ‘Hava, celle mentionnée dans la Torah.
La reine des démons, en quête de réparation, se réincarna selon les enseignements de l’Arizal, sous la forme de Léa, afin d’accomplir son Tikkoun. Elle était destinée à épouser le méchant Esav, mais grâce à ses prières (Tefilah), elle changea son destin et devint l’épouse de Yaakov. Ses yeux affaiblis, résultat de ses prières, symbolisent sa lutte. Malgré cela, elle atteignit un niveau spirituel plus élevé que sa sœur, tout comme la reine des démons possédait une élévation spirituelle supérieure à celle de ‘Hava, parvenant ainsi à réaliser pleinement son potentiel.
En essence, les récits de Rachel et Léa dans la Torah dévoilent des dimensions bien plus profondes que ce que l’on perçoit à première vue, illustrant l’incroyable profondeur de la sagesse divine.
Même si nous n’en saisissons qu’un fragment, cette sagesse suffit à nourrir la méditation et l’inspiration, nous guidant dans notre Avodat Hachem et nous rappelant que la Torah est infiniment plus que ce que les yeux peuvent voir.

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