Le secret obscur du Chashmal, des Nekoudot et de l’Aleph-Bet hébraïques
Le secret obscur du Chashmal, des Nekoudot et de l’Aleph-Bet hébraïques
La Kabbale possède de nombreux systèmes pour sonder les secrets de la Création, parmi lesquels figurent les Nekudot hébraïques (signes de ponctuation/voyelles) et l’Aleph-Bet.
Rabbi Yosef Gikatila fut un célèbre mekoubal espagnol ayant précédé l’Arizal. Il est surtout connu pour son grand œuvre Shaarei Orah, qui traite de la nature des 11 Séphirot et des noms divins qui leur sont associés. Toutefois, une œuvre moins connue de lui est le Sefer HaNikud (le Livre de la Ponctuation), qui traite de certains secrets kabbalistiques relatifs aux 9 signes de ponctuation (voyelles) présents dans l’Aleph-Bet.
Comme on pourrait le deviner, les 9 signes de ponctuation correspondent chacun à une Séphira et l’on trouve la répartition suivante dans Otzrot Chaim :
Kamatz – Keter
Patach – ‘Hokhmah
Tsere – Binah
Ségol – ‘Hessed
Shva – Gvoura
‘Holam – Tiferet
‘Hirik – Netsah
Koubouts – Hod
Shourouk Miloupam – Yessod
Sans Nikoud – Malkhout (car elle « ne possède rien en propre »)
‘Hachmal, Nekudot, Aleph-Bet
Rabbi Yosef Gikatila débute son Sefer HaNikud par ces mots :
Sache, mon cher ami, que même si nous t’avons informé des nombreuses vertus des Séphirot et des Chariots célestes, nous devons t’informer que de la même manière que le corps est mis en mouvement par une force motrice, qu’il soit mort ou vivant – le mort, comme un stylo déplacé par une main vivante, et le vivant, comme le corps humain déplacé par l’âme vitale qui est en lui – de même, les lettres de la Torah, qui sont au nombre de 22, certaines sont appelées lettres ‘Hachmal, et elles mettent en mouvement les autres lettres comme l’âme meut le corps.
Certaines lettres sont appelées créatures vivantes, et elles aussi mettent en mouvement d’autres lettres, mais pas comme les lettres ‘Hachmal. Lorsqu’elles bougent, elles bougent ensemble, et il y a deux mouvements distincts dans une seule lettre. Certaines lettres sont appelées roues (Ofanim) et ne bougent pas d’elles-mêmes, sauf si elles sont mises en mouvement par les lettres ‘Hachmal ou les créatures vivantes selon l’un de leurs mouvements spécifiques.
Cela nous aide à mieux comprendre comment Hachem a créé le monde par la « parole », et que la réalité est composée d’innombrables lettres interagissant entre elles et formant des noms divins. En effet, comme beaucoup le savent, toute la Torah est constituée de nombreux noms divins entremêlés, formant le « programme » qui anime la Création.
Cela explique également l’importance de bien prononcer l’étude et la prière pour qu’elles résonnent avec le code sous-jacent, ainsi que l’impact que peut avoir la prononciation de certains noms divins sur la réalité (cette pratique étant strictement interdite, sauf pour les Tsadikim véritablement saints).
Hachem reste cependant la seule source de tout et peut tout changer à Sa volonté.
Comprenons un peu mieux le secret de l’Aleph-Bet et du ‘Hachmal
Le concept de ‘Hachmal, introduit dans les visions prophétiques d’Ezéchiel, occupe une place centrale dans la pensée kabbalistique, représentant l’interaction dynamique entre le voilement et la révélation. Dans le Sefer HaNikud de Rabbi Yosef Gikatila, le ‘Hachmal est décrit comme un état d’énergie divine oscillant entre le caché et le révélé, symbolisant la complexité des réalités spirituelles.
Ce terme est souvent traduit par « électrum » ou « ambre étincelant », suggérant une force rayonnante, presque électrique, à la fois captivante et insaisissable. Le ‘Hachmal représente un mystère profond où l’énergie divine est à la fois présente et cachée, défiant le chercheur à pénétrer ses profondeurs pour atteindre la compréhension.
Le ‘Hachmal incarne un état de conscience spirituelle oscillant entre le dévoilement et le voilement. Il symbolise une énergie divine à la fois cachée à la perception ordinaire et influente dans le monde spirituel.
Dans le Sefer HaNikud :
Nous t’avons déjà informé dans le livre appelé Shaarei Tzedek comment toute la Torah est tissée autour du nom YHVH, béni soit-Il, qui a tout créé et soutient tout, et qu’il n’en est pas d’autre. Tout a besoin de Lui, et Lui n’a besoin de rien. Nous t’avons expliqué comment tous les autres noms sacrés et titres de leurs genres dépendent de ce nom spécial, et comment Il s’en revêt selon le domaine de Sa souveraineté et l’indication de Sa royauté.
C’est pourquoi il est appelé Tiferet, comme nous l’avons expliqué, et nous avons ajouté une grande explication dans le char d’Ezéchiel à ce sujet. Après avoir bien étudié ces passages et en avoir saisi les notions, étudie ce passage que nous allons expliquer, et tu verras que tous les mondes, tous les êtres, toutes les langues, toutes les lettres et tous les Nikoudot dépendent du nom spécial, YHVH.
Rabbi Gikatila élucide que les lettres du Tétragramme (YHVH), essentielles dans la Kabbale, incarnent également l’essence du ‘Hachmal. Ces lettres sont des moteurs – elles animent et donnent vie aux autres lettres – mais elles le font de manière cachée. Lorsque le nom divin est articulé dans des mots, ses lettres ne modifient pas la structure visible du mot, mais l’imprègnent d’une dynamique spirituelle invisible.
Cette dualité d’être active mais cachée s’aligne parfaitement avec le concept de ‘Hachmal, où les influences divines sont exercées sans manifestation apparente, maintenant un équilibre entre révélation et secret.
Dans l’ouvrage :
Les lettres appelées ‘Hachmal sont les quatre lettres du Nom, qui bougent et parlent parce qu’elles mettent en mouvement les autres lettres dans le Nikoud, et elles sont cachées et séparées, non visibles. C’est pourquoi elles sont appelées ‘Hachmal, c’est-à-dire cachées et parlantes. Les lettres appelées ‘Hayot sont les lettres Shin-Mem-Yod-Noun-Aleph-Tav-Vav-Kaf-Bet-Lamed-Tet-Kaf. Certains grammairiens les nomment Shin-Mem-Lamed-Kaf-Tav-Vav-Yod-Noun-He. Ce sont des lettres qui bougent physiquement mais non intellectuellement, car elles ne mettent en mouvement d’autres lettres que si elles bougent elles-mêmes avec elles. Les lettres appelées Ofanim sont les lettres Gimel-Zayin-Ayin-Tsadi-Peh-Rech-Tet-Samekh. Ces lettres ne mettent pas en mouvement d’autres lettres, mais sont elles-mêmes mises en mouvement par les lettres ‘Hachmal et ‘Hayot.
Les lettres ‘Hachmal opèrent sur un plan intellectuel, mettant en mouvement les autres lettres et orchestrant le flux de l’énergie divine dans le langage. Ce mouvement caché est essentiel à l’efficacité spirituelle des lettres hébraïques.
Rabbi Gikatila explique que ces lettres ne sont pas comme les lettres ordinaires pleinement révélées dans la parole ou l’écriture ; ce sont des conducteurs silencieux de la puissance spirituelle. Ce voilement n’est pas une faiblesse mais une force, indiquant que les forces les plus puissantes de l’univers opèrent souvent au-delà du visible et de l’audible. Ainsi, le ‘Hachmal souligne que la véritable puissance spirituelle réside souvent dans ce qui est caché et silencieux.
Ceci est la Kabbale pratique, et il ne faut pas jouer avec les noms divins, mais il est intéressant de savoir comment ils fonctionnent pour mieux apprécier la Création de Dieu.
Les Secrets des Nekudot
En Kabbale, les Nekudot (points voyelles) de l’alphabet hébraïque ne sont pas de simples outils phonétiques, mais des éléments profondément symboliques révélant des dimensions cachées de la vérité spirituelle. Selon Rabbi Yosef Gikatila dans son Sefer HaNikud, ces voyelles sont le souffle de vie des lettres hébraïques, les animant et leur donnant le pouvoir de manifester différents aspects de Dieu. Chaque Nekoud possède sa signification propre et interagit avec les lettres pour créer un jeu dynamique de forces spirituelles, faisant du mot écrit et parlé un canal de l’énergie divine. Ceci est également fondé sur le Zohar.
Rabbi Gikatila explique que le point ‘Holam, représenté par un point au-dessus de la lettre, signifie le plus haut niveau de conscience spirituelle. Il est comparable à l’âme de la lettre, l’inspirant et la dirigeant d’en haut. Ce point est étroitement lié à la Séphira de Keter, la couronne des émanations divines, symbolisant le potentiel pur et l’étincelle initiale de la création. La position du ‘Holam au-dessus de la lettre souligne son rôle de force directrice et transcendante, à l’image de la lucidité spirituelle qui élève l’action humaine.
À ce stade, un lecteur pourrait se demander :
« Sur la base de la liste donnée au début de l’article, le ‘Holam n’est-il pas censé être associé à Tiferet au lieu de Keter ? »
On pourrait répondre : « Tout dépend du système que l’on utilise ou de la perspective à travers laquelle on analyse le concept. »
Par exemple, le Zohar propose plusieurs répartitions des fêtes selon les Séphirot. Parfois Souccot est associé à ‘Hessed (à cause de l’eau), parfois à Gvoura (car c’est aussi un temps de jugement). Il en va de même ici, surtout si l’on prend en compte une certaine flexibilité que le Rashash utilise, appelée Drush HaDa’at (qui est légitime), pour interpréter les propos de l’Arizal.
Le point Shourouk, représenté par un point à l’intérieur de la lettre, évoque une forme plus incarnée de l’influence divine. Positionné au centre de la lettre, il suggère un équilibre entre le céleste et le terrestre, reflétant la Séphira de Tiferet, qui harmonise les forces opposées. La présence du Shourouk au sein de la lettre indique une infusion de l’énergie divine dans le monde matériel, en faisant un pont entre les royaumes éthérés et notre réalité physique. Ce point met en lumière le concept selon lequel les vérités spirituelles doivent s’intégrer au cœur même de notre existence pour produire une transformation significative.
Enfin, le point ‘Hirik, placé sous la lettre, signifie l’enracinement de l’énergie spirituelle dans les aspects les plus tangibles de la réalité. Il s’aligne avec la Séphira de Malkhout, le royaume qui canalise la lumière divine dans le monde physique. Le ‘Hirik souligne l’importance de la manifestation et de la concrétisation du potentiel sous une forme matérielle. En langage ‘hassidique, on pourrait dire qu’il s’agit de « faire descendre Dieu sur Terre ».
Tout cela explique aussi un peu comment fonctionnent les Kameot (amulettes kabbalistiques), pour lesquelles l’Arizal enseigne que celui qui les écrit doit faire Téchouva et accomplir des Tikkounim pour l’utilisation des noms divins. Là encore, cela relève de la Kabbale pratique, et seul un véritable Tsadik, exempt de fautes et ayant déjà rectifié ses Middot (traits de caractère), peut y accéder.
L’Aleph-Bet : Fondements de l’Existence
La structure et l’ordre des lettres hébraïques sont profondément significatifs en Kabbale, comme le montrent le Sefer Yetsirah et le Sefer HaBahir. De même, Rabbi Yosef Gikatila souligne que les lettres ne sont pas disposées de façon arbitraire, mais suivent un ordre divin reflétant la création et la structure de l’univers.
La première lettre, Aleph, symbolise le commencement de l’émanation divine, une étincelle cachée à partir de laquelle la création se déploie. Ensuite, chaque lettre de la séquence représente une progression des attributs et forces divines, culminant avec Tav, lettre qui symbolise l’achèvement et la manifestation physique du spirituel (Malkhout).
Une autre réflexion intéressante de Rabbi Gikatila est l’idée que les lettres hébraïques servent de véhicules à la présence divine, tout comme les Nekudot. Cependant, elles forment également leur propre système autonome.
Cela est particulièrement évident dans l’usage des lettres dans les textes sacrés tels que le Talmud et les Midrashim, où l’agencement précis des lettres et leur prononciation canalisent l’énergie divine dans les mondes supérieurs.
L’étude attentive et la contemplation de ces lettres deviennent ainsi un moyen de se connecter à Hachem, et c’est là l’essence des Yihoudim (unifications). Cela met en évidence le caractère sacré de l’Aleph-Bet hébraïque et son rôle comme outil d’approche vers Hachem.
Comme mentionné ci-dessus, Rabbi Gikatila divise également les lettres en trois groupes comme suit :
1. Lettres ‘Hachmal : Ce sont les moteurs intellectuels, les forces primaires qui animent les aspects cachés de la création. Elles incluent les lettres du nom divin YHVH, considérées comme les plus puissantes et les plus secrètes.
2. Lettres ‘Hayot : Ces lettres représentent un mouvement plus physique et sont liées aux actions tangibles et au monde matériel. Elles ne bougent pas de manière indépendante mais nécessitent la présence des lettres ‘Hachmal pour activer leur potentiel.
3. Lettres Ofanim : Les Ofanim, ou « roues », sont des lettres qui ne mettent pas en mouvement les autres par elles-mêmes, mais sont mises en mouvement par les lettres ‘Hachmal et ‘Hayot. Elles symbolisent les fondements passifs de l’existence jusqu’à ce qu’elles soient activées par des forces spirituelles supérieures.
Implications pratiques en Kabbale
Comprendre ces principes permet d’accéder à une compréhension plus profonde de la vision kabbalistique de la Création.
Les interactions des lettres par le mouvement et leurs influences cachées reflètent la nature dynamique et interconnectée de toute la Création. C’est ainsi que nos sages ont pu sonder de nombreuses merveilles, comme R’ Elazar ‘Hismah et R’ Yo’hanan ben Goudguédah qui pouvaient calculer les gouttes de l’océan (Horayot 10). Tout cela était écrit dans les sphères supérieures.
De plus, les enseignements de Rabbi Gikatila soulignent que ces aperçus mystiques ne sont pas que théoriques. Ils trouvent des applications concrètes dans la Tefilah, la méditation et la quête de la sagesse divine.
Dans le labyrinthe de la sagesse kabbalistique, l’Aleph-Bet hébraïque et le concept de ‘Hachmal ne se présentent pas seulement comme des éléments linguistiques, mais comme des clés ouvrant les secrets de la Création.
Alors, cher chercheur de sagesse, ne te contente pas de survoler l’Aleph-Bet hébraïque.
Embrassons le mystère, célébrons le caché, et laissons les lettres nous guider vers des royaumes de compréhension insoupçonnés.
Tout est vivant avec l’Aleph-Bet, le ‘Hachmal et les Nekudot.
Après tout, si un seul Aleph peut contenir les secrets de la Création, imaginez ce que peut révéler tout un alphabet !

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