Une discussion puissante sur la chaîne de la Kabbale et l’importance de l’Emounat ‘Hakhamim

 


Une discussion puissante sur la chaîne de la Kabbale et l’importance de l’Emounat ‘Hakhamim

Cet article s’adresse à ceux qui, de nos jours, cherchent à attaquer la Kabbale, invoquant souvent l’autorité du Rambam.
Ces personnes tentent d’établir une lignée de tradition qui suggère, en substance, que quiconque adhère à la Kabbale embrasse, au mieux, des croyances hétérodoxes, et, au pire, flirte avec l’hérésie.

Ma proposition est très simple :

Fournissez une chaîne de transmission ininterrompue depuis 1 500 ans (ou même seulement 1 000 ans).
Interpréter l’œuvre du Rambam et en extraire des éléments qui servent sa propre vision ne constitue pas une tradition légitime. C’est comme lire un manuel de dépeçage de cailles et penser qu’on possède pour autant une tradition valide dans l’abattage de la volaille.

Avant d’utiliser l’argument qu’une telle « tradition » permettrait de qualifier d’hérétiques (chas véshalom) de nombreuses figures vénérées du judaïsme, comme Maran Yossef Karo, ces contestataires devraient prouver l’authenticité de leur propre lignée. Même le mouvement Dor Deah au Yémen, considéré comme la dernière opposition à la Kabbale, n’est apparu que récemment.

Ce fut après que la Kabbale eut gagné en influence au Yémen, menant à la formation de deux liturgies — le Shami (Noussakh Ari) et le Baladi (liturgie yéménite traditionnelle ayant intégré des éléments kabbalistiques comme Lekha Dodi et Brikh Shmé) au XVIIe siècle. Le Dor Deah n’est apparu qu’à la fin du XIXe siècle, comme tentative de retour au rationalisme contre la Kabbale.

Pourtant, ce mouvement manquait d’arguments solides pour étayer ses revendications.

La majeure partie de la Kabbale repose sur le Zohar, œuvre extrêmement profonde et concise. La plupart étudient la Kabbale de l’Arizal, qui en est une explication. Moins nombreux sont ceux qui étudient les Kavanot du Rashash, encore moins ceux qui étudient le Ramban ou R. Avraham Aboulafia (ce n’est que mon impression, je suis ouvert à la correction).

Les premières références au Zohar remontent à de nombreuses œuvres des Richonim, qui vécurent dès les premières décennies du sixième millénaire (1240–1290). Ces écrits citent des extraits du Zohar sous les noms de « midrash », « Midrash Yéroushalmi », « Yéroushalmi » ou « Midrash de R. Shimon bar Yohaï ».

R. Eliyahou del Medigo, dans son ouvrage Bekhinat HaDat, écrit en 5251 (1491), critique le Zohar en déclarant : « ce livre n’est connu publiquement dans notre nation que depuis environ 300 ans. » Même selon cette déclaration, cela situe la connaissance du Zohar à la fin du Ve millénaire (vers 1200).

De nombreuses objections ont été formulées à travers les âges, mais nous tenterons ici de démontrer la validité du Zohar et de la Kabbale en général.

Une chaîne interrompue difficile à retracer
Alors, qu’est-ce qui établit véritablement l’authenticité d’une tradition ?
Quelqu’un pourrait-il, sous prétexte d’une lignée continue jusqu’à Shabtaï Tsvi (hors d’un cadre religieux évidemment), revendiquer la validité d’une telle tradition ?
Ou un individu pourrait-il, en retraçant sa lignée jusqu’à R. Yossi HaGalili, justifier la consommation de volaille avec du lait ?

Ce genre d’argument est manifestement irrecevable, car ces opinions ont été rejetées par les sages et les véritables Tsaddikim d’antan — ce qui fonde le principe de Emounat ‘Hakhamim (la foi dans les sages).

De la même manière, puisque des figures vénérées du judaïsme comme Maran Yossef Karo, le Rema, le Magen Avraham, le Shakh, le Taz, le Gaon de Vilna, le Baal Shem Tov, le ‘Hida, et bien d’autres, ont reconnu l’authenticité de la Kabbale, peut-on prétendre qu’un individu qui rejette la Kabbale au nom d’une lignée remontant au Rambam détient une tradition valide ?
Je suis convaincu que cette opinion a été rejetée.

Pourtant, comme Maran Yossef Karo l’écrit avec force dans son Maguid Mésharim :

À ton départ du monde, le Rambam viendra à ta rencontre, car tu as résolu les difficultés de son Code. Il appartient aux justes, contrairement à ce qu’affirment certains sages qui disent qu’il s’est réincarné en ver. Cela n’était pas vrai ; c’était un décret issu de certaines paroles mal formulées. Cependant, sa quête de la Torah et ses bonnes actions l’ont protégé. Il n’a jamais été réincarné en ver. S’il a connu une réincarnation, il est ensuite monté dans le monde des Tsaddikim.

Rav Yaakov Moshé Hillel a apporté une contribution majeure en rendant de nouveau accessible l’ouvrage fondamental Shomer Emounim, resté longtemps hors de portée.

Son auteur, Rav Yossef Irgas (né en 1684), fut l’élève principal de Benyamin Marjiv, lui-même élève de Rav Moché Zakouto, disciple de Rav Benyamin HaLévy, lui-même disciple de l’Ari et de Rabbi ‘Haïm Vital.

À une époque où la communauté juive était encore marquée par la débâcle Shabtaï Tsvi, la Kabbale subissait des attaques rabbiniques virulentes, accusée de contenir des éléments d’idolâtrie. Rav Irgas entreprit alors non seulement de défendre l’étude de la Kabbale, mais aussi de composer un ouvrage structuré en sa défense : Shomer Emounim.

Ce livre prend la forme d’un dialogue entre deux personnages : Shealtiel, qui remet en question l’authenticité de la Kabbale, et Yehoyada, qui réfute ses objections et démontre que la Kabbale est en harmonie avec les principes fondamentaux de la foi juive, du Tanakh et du Talmud.

À mon avis, ce livre est un joyau inestimable qui devrait figurer dans la bibliothèque de tout étudiant sérieux de Torah. Cette opinion est d’autant plus pertinente aujourd’hui face à la prolifération d’absurdités comme Tohar HaYihoud (que ce livre soit effacé de l’histoire), un ouvrage qui insinue que nos grands décisionnaires auraient embrassé l’hétérodoxie (chas véshalom).

À l’exception possible du Rambam (et même cela est sujet à débat), toute notre tradition inclut uniformément la Kabbale.
Une exploration approfondie de la chaîne ininterrompue de la Kabbale fera l’objet d’un autre texte. Rav Irgas en donne une exposition complète dans les chapitres 12 et 13 de son ouvrage. Rav Shimon Algassi développe ce thème dans son commentaire sur les 13 principes du Rambam, et Rav Porush l’explique avec éloquence dans l’introduction de Soulam HaAliyah.

Il n’existe pas une seule objection à la Kabbale qui n’ait déjà été traitée dans Shomer Emounim.

Beaucoup connaissent peut-être l’édition traditionnelle du Séfer Eilimah de Rav Moché Cordovéro (le Ramak), ouvrage central pour comprendre sa pensée kabbalistique. Une partie seulement avait été publiée jusqu’alors, représentant moins du tiers du texte.

L’équipe méritante de Nezer Shraga (ancienne librairie en ligne, aujourd’hui fermée) a remédié à cela. Ils ont publié le livre entier dans une police lisible et claire. Ce livre impressionnant mesure 27 cm de long, 19 cm de large, 6 cm d’épaisseur, et compte 902 pages. Il surpasse en taille et en contenu le Pardès Rimonim.

En termes de structure, il s’apparente à ce dernier mais est fondamentalement différent. Tandis que le Pardès visait à synthétiser les écoles existantes de Kabbale, Séfer Eilimah se concentre sur le Zohar, le concept de Tsimtsoum (rétraction divine) et leur interaction avec l’Avodah (pratique spirituelle).

On pourrait dire qu’il est le précurseur du Etz ‘Haïm de Rabbi ‘Haïm Vital.

Le Ramak y plaide vigoureusement en faveur de l’étude de la Kabbale, en alignant méthodiquement ses théories avec les fondements de la foi juive. Il développe ensuite la création des Séphirot et des mondes qu’elles forment.

Ce texte est d’une importance capitale, car il éclaire, plus que tout autre, le lien entre l’école « lourianique » ultérieure et ses prédécesseurs.

Et bien que l’Ari ait reçu des révélations d’Eliyahou HaNavi et introduit des concepts innovants, il devient de plus en plus clair que ces nouveautés prennent principalement deux formes essentielles.

Une capacité distinctive : l’unification des systèmes et la résolution des complexités textuelles
La première aptitude remarquable fut la capacité à opérer une fusion inédite de divers systèmes. La seconde compétence résidait dans la faculté de résoudre une variété de subtilités textuelles et de contradictions apparentes, d’une manière à la fois intellectuellement sincère et cohérente sur le plan interne.

Ajoutant encore à la valeur de ce sefer, on y trouve en annexe le Sefer Tomer Devorah, soigneusement révisé et enrichi à partir des manuscrits originaux du Ramak.

Preuve de l’authenticité du Zohar
Pour ceux qui sont familiers avec le contenu de ce blog ou qui ont lu mes défenses ferventes de la Kabbale contre les arguments dits de “Da’at Torah” (ceux qui objectent avec une prétendue rationalité), le nom du Rav Mendel Kasher ne leur est peut-être pas étranger. Le Rav Mendel Kasher a rédigé un essai exceptionnel sur les origines du Zohar. Dans cet ouvrage, il examine minutieusement les affirmations de nombreux chercheurs, y compris Gershom Scholem, afin de découvrir la vérité.

Selon mon évaluation personnelle, Rav Kasher adopte une méthode très rigoureuse et novatrice dans l’analyse des preuves, et parvient à formuler une hypothèse solide sur l’origine du Zohar, dont, comme nous le savons, l’auteur est nul autre que le saint Tanna Rabbi Shimon bar Yohaï.

Cet essai est sans aucun doute d’une grande valeur. Cependant, jusqu’à récemment, il n’était disponible qu’en hébreu.

Un blog du nom de “Ohr Ganuz” propose une version traduite de cet article. Voici un aperçu des deux premières pages de l’introduction :

En l’an 5701 (1941), un livre intitulé Major Trends in Jewish Mysticism fut publié à Jérusalem, par le professeur G. Scholem. Il y traite longuement de la question du Zohar et de son auteur. Il adopte la position de ceux qui attribuent l’ouvrage à R. Moché de Léon, et non à ceux qui le placent à une époque antérieure.

L’élève de Scholem, Y. Tishby, dans son Mishnath ha-Zohar (Jérusalem, 5709/1949), soutient également que les parties principales du Zohar furent écrites par R. Moché de Léon, et qu’aucune partie ne le précéda.

Dans son introduction, il affirme que nous devons accepter les conclusions de son maître comme « le dernier mot dans le grand débat concernant la composition du Zohar et son auteur, débat ayant traversé plusieurs générations d’érudition juive ».

J’ai attendu pendant de nombreuses années que l’un des érudits fidèles à la Torah se lève et traite cette question. J’ai attendu en vain. Je possède moi-même du matériel manuscrit pour mon ouvrage Midrashé ‘Hazal VéhaZohar, dans lequel j’ai analysé des centaines de passages du Zohar cités dans les 17 premiers volumes de ma Torah Shelemah, en les comparant à d’autres midrashim des Sages.

Je me suis particulièrement concentré sur des enseignements des Sages qui, bien qu’ils soient cités par les Richonim, ne figurent pas dans les midrashim que nous possédons aujourd’hui, mais qui apparaissent dans la littérature du Zohar et du Midrash HaNéelam.

R. David Luria, dans son livre Kadmout Séfer HaZohar, anaf 2, cite plusieurs passages similaires afin de prouver l’antiquité du Zohar. J’ai poursuivi dans cette direction. J’ai surtout mis en évidence les correspondances entre les passages du Zohar et des écrits de Sages anciens découverts récemment en manuscrits. J’aborde également dans ce livre de nombreuses questions et analyses sur le rapport entre le Zohar et les œuvres de R. M. de Léon.

Après un examen attentif des sources citées par Scholem et Tishby, j’ai constaté que ces sources appuient exactement l’inverse de leurs conclusions.

Il est clair, sans aucun doute, que les œuvres publiées de R. M. de Léon, telles que HaNefesh Ha’Hakhamah et Shekel HaKodesh, et surtout ses œuvres manuscrites comme HaRimon et Mishkan HaEdout, démontrent qu’il n’a pas écrit le Zohar, mais s’est abondamment servi des manuscrits du Zohar qu’il possédait, en traduisant de nombreux passages en hébreu.

En réalité, les œuvres de R. M. de Léon n’ont ni le style, ni l’expression, ni la profondeur du Zohar. Le Zohar est une œuvre colossale, unique, qui possède une capacité merveilleuse à éveiller l’âme à la sainteté suprême (kedousha). C’est un livre qui parle au cœur des hommes, et c’est pourquoi il a été aimé et révéré par les pieux à travers les âges. Il n’a aucune ressemblance avec les livres de R. M. de Léon, qui sont des œuvres ordinaires comme les autres ouvrages de Kabbale de son époque.

Même Scholem admet que de nombreuses parties du Zohar sont rédigées dans un araméen authentique, tel qu’il était parlé par des Sages dont c’était la langue vivante. Tishby lui-même reconnaît les qualités littéraires uniques du Zohar, son inspiration sublime, ses images poétiques et son style vibrant.

Comment donc peuvent-ils affirmer, à côté de telles déclarations, que R. M. de Léon est l’auteur du Zohar ? Ces qualités sont absentes de ses œuvres. Comment peut-on ignorer cette incohérence flagrante ?

Conclusion
Voici donc une introduction démontrant que la Kabbale et le Zohar reposent fermement sur la Tradition authentique du judaïsme. Rien dans la Kabbale ne cherche à déraciner la Torah écrite ou orale ; au contraire, elle ne fait que les renforcer, en révélant leurs aspects cachés.

La Kabbale est une composante essentielle de la Torah. Le fait qu’il y ait eu tant de tentatives pour la détruire (chas véshalom) atteste seulement de sa grandeur et de son origine suprême, au-delà du monde matériel. Comme l’écrit l’Arizal :

  • La Kabbale vient du monde d’Atsilout

  • La Guemara vient du monde de Béria

  • La Michna vient du monde de Yetsira

  • Le Mikra (les Écritures) vient du monde d’Assiya

Les gens craignent ce qu’ils ne connaissent pas. La Kabbale est difficile, car sa méthode d’étude repose fondamentalement sur le principe de « tout savoir pour comprendre un peu ». Avant de comprendre, il faut posséder une vaste base de connaissances, pendant laquelle surgissent de nombreuses questions, souvent complexes.

Mais, en fin de compte, cette dispute se résume à Emounat ‘Hakhamim. Les grands maîtres de toutes les générations — Rabbi ‘Haïm Vital, Rav Yossef Karo, Rabbi Shalom Sharabi, le Baal Shem Tov, Rabbi Na’hman, le Ram’hal, le Gaon de Vilna, le ‘Hafets ‘Haïm, et bien d’autres Mekoubalim séfarades et ashkénazes, et Rebbés hassidiques — ont unanimement, catégoriquement et sans équivoque accepté l’autorité du Zohar et la Kabbale de l’Ari.

Qui sommes-nous pour les contester ?

Puissions-nous tous mériter de comprendre toute la sagesse de Hachem !

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