Les dangers cachés de masquer la douleur (ou la dissociation) et ses conséquences globales selon la Kabbale
Au cours de mon travail chez Kabbalah Empowerment, j’ai remarqué que beaucoup de personnes masquent inconsciemment leur douleur.
C’est un terme que j’ai inventé pour décrire un schéma que j’ai observé à la fois en moi-même, sur mon chemin de Teshuva, et chez les personnes qui m’entourent. Même si beaucoup d’entre nous sont sincèrement engagés dans une croissance personnelle, j’ai constaté une tendance généralisée à utiliser les enseignements et les pratiques spirituelles pour éviter des problèmes émotionnels non résolus, des blessures psychologiques, et des étapes de développement incomplètes.
C’est un problème sérieux, et c’est en partie ce qui m’a poussé à commencer l’étude de la méthode One Brain.
Lorsque nous masquons la douleur, nous présentons souvent notre quête d’éveil ou de libération comme une justification pour ce que j’appelle la Hitromémout prématurée (la transcendance), c’est-à-dire la tentative de s’élever au-dessus des aspects bruts et non résolus de notre humanité avant de les avoir réellement affrontés et intégrés.
Ce faisant, nous avons tendance à nous appuyer sur le langage de la vérité absolue pour rejeter ou minimiser des expériences humaines essentielles : les émotions, les besoins, les luttes psychologiques, les défis relationnels et les manques développementaux. De cette manière, masquer la douleur devient un « risque professionnel » du chemin spirituel, qui, par nature, nous invite à transcender notre cycle actuel de croissance.
En d’autres termes : les blessures doivent être soignées et intégrées, car elles sont des parties déchues de nos âmes.
Et non ignorées.
Les conséquences du masquage de la douleur
Dans son œuvre fondamentale Shaarei Kedusha, le Rabbi Haïm Vital souligne qu’il est impossible d’atteindre le rouaḥ haqodech (l’inspiration divine) sans avoir d’abord raffiné ses middot (traits de caractère). Il écrit :
« Même si une personne accomplit les 613 mitzvot et étudie la Torah jour et nuit… si elle manque de raffinement du caractère, elle ne peut atteindre la sainteté. »
(Shaarei Kedusha, Partie I, Porte 2)
Ceci constitue une réfutation directe de toute forme de spiritualité qui tenterait de « sauter par-dessus » le travail intérieur. Servir Hachem ne consiste pas simplement à élever l’intellect ou à rechercher la transcendance. Cela exige un engagement profond avec nos blessures émotionnelles et relationnelles, car ce sont précisément ces endroits où l’âme se retrouve bloquée.
Tenter de masquer la douleur liée à nos blessures émotionnelles et psychologiques n’est pas seulement inefficace, c’est aussi nuisible. Cela crée une division entre les dimensions « spirituelle » et « humaine » de notre être.
Cela conduit à une spiritualité déséquilibrée, qui élève un aspect de la vie au détriment de l’autre : en privilégiant la vérité absolue à la vérité relative, l’impersonnel au personnel, le vide à la forme, la transcendance à l’incarnation, le détachement au ressenti. Par exemple, quelqu’un pourrait tenter de pratiquer le détachement en réprimant son besoin naturel d’amour, pour ensuite voir ce besoin resurgir de manière inconsciente et potentiellement destructrice.
Cela est reconnu dans de nombreuses parties de la Torah.
En tant que praticien certifié One Brain, je m’intéresse particulièrement à la manière dont le masquage de la douleur se manifeste dans les relations, où il cause souvent le plus de dégâts. Si l’on était un yogi en retraite solitaire dans une grotte, les blessures non résolues pourraient rester enfouies, car l’environnement est contrôlé et dépourvu de relations. En revanche, les relations ont tendance à faire remonter ces blessures à la surface, car les blessures psychologiques sont intrinsèquement relationnelles. Elles se développent dans les premières relations avec les figures parentales et continuent d’être activées dans les interactions interpersonnelles.
L’une des blessures les plus fréquentes dans la vie moderne est ce profond sentiment de ne pas être aimé ou d’être fondamentalement inaimable. Un manque de soin attentif pendant l’enfance est un choc et un traumatisme profond pour le système nerveux en développement. Avec le temps, ces expériences façonnent notre estime de nous-mêmes et, par extension, notre manière de nous relier aux autres. Je qualifie cela de blessure relationnelle ou blessure du cœur.
Les sources du masquage de la douleur
Les enseignements de l’Arizal, en particulier dans Etz Ḥaïm, mettent en avant l’interaction entre la or (lumière) et le kéli (récipient). On ne peut recevoir la lumière divine que si le récipient est apte à la contenir. Le récipient représente ici le soi : le psychisme, les émotions, les relations.
Sans développement de récipients sains, la lumière n’a nulle part où résider. Et que cela nous plaise ou non, nous pouvons être absolument certains que ces récipients seront rectifiés d’une manière ou d’une autre.
Le processus de birour (clarification spirituelle) implique de confronter et d’élever les étincelles de sainteté piégées dans les aspects « déchus » de notre vie. Éviter ces domaines n’est pas une option. L’Arizal enseigne que chaque personne a des étincelles spécifiques qui lui sont assignées, cachées dans les luttes de sa vie. Si l’on évite ces luttes, on abandonne sa mission.
Dans cette perspective, de nombreuses recherches en psychologie ont démontré comment des relations sécurisantes, caractérisées par des liens émotionnels profonds et des soins attentifs, influencent profondément toutes les dimensions du développement humain. Un attachement sécurisé favorise le bon développement du cerveau, la régulation émotionnelle, la fonction immunitaire, la résilience au stress, et les compétences relationnelles.
Inversement, la rupture de ces liens dans la société moderne a laissé beaucoup de personnes avec des symptômes d’attachement insécurisé : haine de soi, désincarnation, manque d’ancrage, insécurité chronique et anxiété, pensées incessantes, méfiance, et un sentiment profond de carence. Cela conduit à un niveau de déconnexion avec la société, la famille, la tradition, la nature, le corps, les émotions, et même avec notre propre humanité, une aliénation rarement observée dans les cultures anciennes.
Dans ce contexte, être un « bon pratiquant spirituel » peut devenir une identité compensatoire servant à couvrir et à se défendre contre un sentiment sous-jacent d’insuffisance. En d’autres termes : masquer la douleur.
Même avec une dévotion sincère à la pratique spirituelle, celle-ci peut être mise au service du déni. Lorsqu’elle est compartimentée, c’est-à-dire coupée de notre expérience émotionnelle et relationnelle vécue, elle reste superficielle et non intégrée.
Je rencontre souvent des pratiquants spirituels de longue date dont les pratiques leur ont réellement apporté des bienfaits, et qui portent pourtant encore des blessures non guéries sur les plans émotionnel et relationnel. Malgré leur sincérité, leur travail spirituel n’a pas pleinement imprégné leur vie. Ils cherchent une thérapie car ils rejouent ces blessures de manière douloureuse ou nuisible pour eux-mêmes et pour les autres.
Certains ont des croyances limitantes ou des émotions non rectifiées qui freinent leur vie et leur œuvre.
Il n’est pas rare que des pratiquants parlent avec éloquence de la bonté ou de la perfection innée de notre vraie nature, tout en étant incapables de faire confiance à cette vérité lorsque leurs anciennes blessures sont réactivées. Nombreux sont ceux qui ont cultivé de la compassion pour autrui, mais restent durs envers eux-mêmes pour ne pas avoir atteint leurs idéaux spirituels, ce qui rend leur pratique rigide, sèche, voire trop solennelle.
La motivation à aider les autres peut aussi se mêler à un besoin de validation, ou être un moyen de compenser un sentiment intérieur d’insuffisance.
Dans certains cas, la brillance spirituelle est utilisée pour nourrir le narcissisme ou manipuler les autres de manière subtile.
La méditation comme pièce maîtresse
J’aime la méditation. Elle me donne de l’énergie et m’amène à un état centré, en transe, comme rien d’autre ne le peut.
Mais la méditation elle-même est souvent utilisée comme un moyen de masquer la douleur, comme un refuge face à des émotions inconfortables ou à des situations de vie non résolues. Pour ceux qui sont dans le déni de leurs blessures intérieures, la méditation peut involontairement renforcer la froideur, le désengagement ou la distance émotionnelle.
Ces pratiquants peuvent avoir du mal à se relier authentiquement à leurs propres ressentis ou à s’exprimer avec transparence envers les autres. Confronter leur propre blessure, leur dépendance émotionnelle ou leur besoin fondamental d’amour peut leur sembler menaçant.
Ils peuvent croire qu’ils vont bien, alors qu’en réalité, au fond d’eux-mêmes, ils ne le sont pas.
La Kabbale ne considère pas le corps humain ni la psyché comme des obstacles à la sainteté, mais plutôt comme des réceptacles pour celle-ci. Le Zohar enseigne :
« Le corps est la mèche, l’âme est la flamme, et l’huile ce sont les bonnes actions. La flamme ne peut brûler sans la mèche. »
(Zohar, Vol. III, 187a)
Le message est clair : la sainteté ne consiste pas à échapper au corps ou au soi, mais à intégrer la lumière de l’âme dans toutes les couches de l’être. Lorsqu’une personne réprime ses besoins émotionnels sous couvert de bitoul (annulation de soi), elle pratique peut-être une version déformée de la Kabbale. Le vrai bitoul n’est pas le déni — c’est l’alignement.
J’ai observé à plusieurs reprises comment la quête de non-attachement peut servir à se couper de la vulnérabilité émotionnelle. Le fait de s’identifier comme pratiquant spirituel peut devenir un moyen d’éviter un engagement humain plus profond — précisément le type d’engagement qui ferait remonter à la surface des blessures enfouies et des désirs de lien. Il est déchirant de voir quelqu’un s’accrocher à une posture de détachement tout en étant intérieurement affamé d’un lien véritable et d’amour.
De même que la main ne peut fonctionner séparément du bras, les êtres humains sont fondamentalement relationnels. Nous sommes interconnectés, entremêlés, interdépendants. L’attachement envers ceux que nous aimons n’est pas un défaut, c’est une composante naturelle et nécessaire de la vie.
De mon point de vue, les sentiments et les émotions sont des formes d’intelligence puissantes. Je suis certain qu’il existe des sources qui corroborent cela.
C’est une manière de connaître directe, intuitive et holistique du corps, capable d’intégrer de nombreuses couches d’expérience simultanément, ce qui dépasse de loin ce que l’esprit conceptuel et linéaire peut traiter. Contrairement à la réactivité émotionnelle, qui tend à se diriger vers l’extérieur, le ressenti authentique nous aide à toucher à des vérités profondes.
Mais même ceux-ci sont incroyablement précieux.
La réalité est que la plupart d’entre nous sont le plus intensément déclenchés dans les relations conjugales. Si nous masquons la douleur pour éviter de faire face à ces blessures relationnelles, nous renonçons à l’un des terrains les plus puissants de croissance personnelle.
La pratique relationnelle nous permet de cultiver la compassion précisément là où notre douleur et nos défenses sont les plus actives, au cœur de la connexion humaine.
Dans mon travail avec One Brain, je guide les personnes dans un processus d’identification et de guérison. Ensemble, nous explorons les sensations, les croyances, les identités et les émotions ancrées dans leurs expériences. Ce processus ressemble au dénouement d’une pelote de fil : les nœuds sont révélés et relâchés un à un grâce à une conscience attentive et à des exercices puissants.
C’est un travail d’une précision et d’une efficacité remarquables.
À mesure que ce dévoilement se produit, les personnes commencent à retrouver leur présence dans des domaines de leur vie où elles étaient absentes ou déconnectées. En accordant du soin et de l’attention à des parties d’elles-mêmes longtemps négligées, elles développent une connexion plus profonde et plus enracinée à leur être.
Cet accord intérieur améliore naturellement leur capacité à s’engager de manière authentique avec les autres et à offrir un espace d’écoute aux luttes des autres également.
Le besoin de masquer la douleur s’efface.
C’est une véritable guérison.
Les gens sont souvent les plus sévères envers eux-mêmes. La plupart d’entre nous souffrent d’un manque de compassion envers soi et attendent sans cesse des objectifs plus élevés à atteindre.
Bien que la véritable transcendance ait été découverte depuis des millénaires, nous n’avons pas encore pleinement incarné sa lumière dans le domaine des relations interpersonnelles.
Apporter de la conscience et de la compassion dans notre vie relationnelle est l’une des formes les plus profondes de pratique spirituelle que nous puissions entreprendre.
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