Art du Niggun – Expérience de transcendance et d’élévation à travers le chant

 


Art du Niggun – Expérience de transcendance et d’élévation à travers le chant


L’art du Niggun, profondément enraciné dans la tradition hassidique, représente une expérience unique et spirituellement édifiante qui transcende le quotidien par le chant.

Un niggun est une mélodie sans paroles, variant du simple au complexe, du lent et méditatif au rapide et jubilatoire. Ces mélodies sont répétées à maintes reprises, servant de prières mystiques destinées à approfondir l’accès à l’âme, à élargir l’esprit et à enflammer le désir pour l’Avodat Hashem.

Les origines des niggunim remontent au mouvement hassidique du XVIIIᵉ siècle, qui a révolutionné l’expression musicale juive en accordant une plus grande importance à la mélodie dans la vie. Ce changement fut initié par Rabbi Israël Baal Shem Tov, le fondateur du hassidisme, qui mit en avant la musique vocale comme une forme de confession personnelle et d’expression spirituelle. Il considérait le chant comme une forme d’expression spirituelle plus significative que la prière traditionnelle, une voie vers Dieu qui transcendait les limites du langage.

Comme nous le savons, certaines vérités échappent à l’articulation verbale (Binah), en particulier celles enracinées dans la connaissance expérientielle (Chokhmah), sans doute la forme la plus profonde de compréhension de la réalité. Ces vérités sont innées, reconnues par l’individu comme intrinsèquement vraies, incarnant le concept de « secrets de la Torah » — et ici nous ne disons pas secrets parce que leur transmission serait interdite, mais parce que leur essence ne peut être communiquée par l’enseignement.

Par exemple, l’essence de l’amour ou la perception d’une couleur pour quelqu’un qui ne l’a jamais ressentie ou vue dépasse la simple explication.

Un niggun, ou mélodie spirituelle, sert de puissant canal vers les couches profondes de l’âme, révélant des vérités qui échappent souvent à notre conscience. Il nous rappelle notre sainteté intrinsèque, l’omniprésence d’Hashem même au milieu de nos imperfections, notre valeur et le sens de nos épreuves.

Le Rav Eliezer Berland, ainsi que de nombreux autres dont le Hatam Sofer, écrivent que seule la prière chantée s’élève véritablement et a le pouvoir d’être plus facilement acceptée par Hashem.

Le Niggun dans la tradition hassidique

Cette idée fut poursuivie et développée par des maîtres hassidiques ultérieurs, tels que Rabbi Nahman de Breslev, qui croyait que la musique provenait de l’esprit prophétique et possédait le pouvoir d’élever l’homme jusqu’à l’inspiration prophétique. Cela rejoint l’enseignement de Rabbi Hayim Vital dans Shaarei Kedusha, selon lequel « presque tout le processus d’atteinte du Roua’h HaKodesh passe par le fait d’être constamment dans la joie » (ainsi qu’il l’a reçu de l’Arizal).

Différentes dynasties hassidiques ont développé leurs propres styles de niggunim, reflétant leurs voies spirituelles distinctes. Par exemple, la communauté de Breslev est connue pour sa créativité émotionnelle, tandis que la dynastie de Kaliv, commencée avec Rabbi Yitzchak Isaac Taub, a souvent adapté des chants populaires hongrois en y insufflant des paroles et des significations spirituelles juives.

Les niggunim remplissent diverses fonctions au sein de la tradition hassidique. Ils peuvent être des niggunim méditatifs de devekut, des airs rythmés de danse, ou des niggunim complexes de tisch chantés lors des repas de Shabbat ou de fêtes. Quelle que soit leur forme, les niggunim sont de puissants instruments psychologiques et spirituels, permettant aux individus de se relier à Hashem par la musique.

La nature répétitive des niggunim, combinée à leur profonde résonance émotionnelle, peut avoir un effet apaisant et réparateur sur l’esprit et l’âme. Cet aspect est particulièrement poignant en période de détresse personnelle ou collective, offrant réconfort et consolation au milieu de la souffrance ou du désespoir.

Et, comme nous le savons, אין שום יאוש בעולם כלל : « Il n’y a absolument aucun désespoir dans le monde » (Rabbi Nahman de Breslev).

Le Niggun de Yaakov Avinou

Ceci provient du Sefer HaPesukim de l’Arizal :

Lorsque les fils de Yaakov Avinou reviennent d’Égypte en portant la nouvelle angoissante que Shimon a été détenu par le vice-roi — en réalité Yosef HaTsaddik lui-même, mais ils l’ignoraient —, Yaakov, déjà privé d’un fils, fait face à la perspective douloureuse d’envoyer Binyamin avec eux, risquant encore davantage. C’est Yehuda qui finit par convaincre son père que Binyamin serait bien protégé et ramené sain et sauf.

Au milieu de son chagrin, la réaction de Yaakov fut particulière : il conseilla à ses fils d’apporter « des produits de choix du pays » comme cadeau au vice-roi, notamment du baume, du miel, de la gomme, du ladanum, des pistaches et des amandes.

Cette directive soulève plusieurs questions : comment de tels présents simples pouvaient-ils influencer l’homme le plus puissant d’Égypte ? Yaakov pensait-il que l’Égypte, réputée pour sa richesse, manquait de ces denrées ? Qu’est-ce qui le poussa à risquer ainsi la sécurité de Binyamin ?

La clé réside dans l’interprétation subtile de « produits de choix » (zimrat, זמרת), qui peut également signifier « musique » ou « mélodie », car un chanteur en hébreu est appelé zamar. L’Arizal, dans Sha’ar HaPesukim, explique que les frères avaient décrit le vice-roi comme accompagné d’un redoutable ange accusateur. Yaakov comprit que pour adoucir le cœur du vice-roi et atténuer l’influence de cet ange, il fallait plus que des présents matériels : il fallait le pouvoir d’un Niggun (mélodie), soutenu par les saints noms divins encodés dans les noms mêmes des aliments.

Ce concept est exploré en profondeur dans le Likouté Moharan de Rabbi Nahman de Breslev, mettant en lumière le pouvoir transformateur de la mélodie et de la spiritualité contenus dans des offrandes apparemment banales.

Le Niggun comme forme de méditation

Des maîtres du Moussar et de la Kabbale préconisent un ardent désir envers Hashem, semblable au désir éprouvé pour un être cher. Bien que difficile, cet effort spirituel est accessible à qui s’y consacre avec constance. Il est plus proche que nous ne l’imaginons.

Le Rambam, dans son Mishné Torah, conseille que la contemplation des merveilles de la Création suscite amour et crainte envers le Créateur, étape cruciale pour se rapprocher de Lui. Rabbi Hayim Vital, dans Sha’arei Kedusha, souligne l’importance de maintenir une conscience ininterrompue de la Shekhina (la présence divine immanente d’Hashem), concept appelé Devekut (adhésion), qui marque le début de la véritable compréhension divine que nous avons déjà explorée plusieurs fois ici.

Le Niggun sert d’outil puissant d’introspection, permettant de transcender les distractions extérieures et de se concentrer uniquement sur les aspirations spirituelles. C’est un voyage personnel pour découvrir la mélodie qui résonne avec son âme et les moments propices à son expression. Rien n’empêche une personne de créer son propre Niggun. Que celui-ci soit accepté par les autres est une autre histoire, mais je crois que chacun doit faire ce qui l’aide dans son Avodat Hashem, tant que cela reste conforme à la Torah.

Ces mélodies sont conçues pour être répétitives, permettant au chanteur d’entrer dans un état méditatif. Dans cet état, les barrières de la pensée rationnelle peuvent s’estomper, ouvrant de nouvelles voies pour des aperçus spirituels et émotionnels.

Les ouvrages kabbalistiques, notamment l’Etz Haïm (Arbre de Vie), expliquent la correspondance entre les quatre mondes spirituels (Atzilout, Beriya, Yetsira et Assiya) et les quatre éléments de l’annotation de la Torah : Ta’amim (signes de cantillation), Nekoudot (voyelles), Taguim (couronnes), et Otiot (lettres). En raison de leur nature mélodique, analogue aux Ta’amim, les niggunim sont souvent associés au monde d’Atzilout, représentant le sommet du devekut et de la pratique spirituelle.

C’est pourquoi de nombreux maîtres hassidiques ont composé leurs mélodies lors de moments de profond Devekut. Cependant, la création de niggunim personnels n’est pas réservée uniquement aux spirituellement élevés ; c’est une pratique qui, selon moi, doit être encouragée pour tous.

Conclusion

Les niggunim, souvent simples mais profonds, transcendent le langage et la compréhension intellectuelle, offrant une voie vers une conscience spirituelle accrue et des aperçus plus profonds. Il faut également ajouter que, lorsqu’ils sont associés à la danse, la puissance des niggunim est considérablement amplifiée, engageant le corps et l’âme dans une expression holistique de dévotion et de joie. Le corps doit aussi participer, car il possède sa propre conscience qui nous pèse souvent.

Il va sans dire que le fait de chanter un niggun, surtout dans un cadre communautaire, peut avoir un effet démultiplicateur sur l’esprit. Quand on danse sur un niggun, le mouvement physique combiné à la mélodie peut mener plus facilement à l’état de devekut. Cet état n’est pas simplement une exaltation émotionnelle ; c’est une expérience profondément spirituelle qui peut conduire à de nouveaux niveaux de conscience et de compréhension.

Puissions-nous chacun découvrir les niggunim enfouis dans nos âmes et nous rapprocher toujours davantage d’Hashem.



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