Ninvé et la Téchouva : Où se trouve la cité glorieuse
Ninvé et la Téchouva : Où se trouve la cité glorieuse
Ninvé et la Téchouva : Où se trouve la cité glorieuse
Tout le monde connaît l’histoire de Ninvé, la ville qui fit Téchouva et échappa à la destruction. On la lit à Yom Kippour pour cette raison, et à première vue, elle ne semble pas contenir quelque chose de particulièrement extraordinaire.
En y regardant de plus près, cependant, on découvre que Ninvé est une ville très ancienne. La Torah la mentionne parmi les villes construites après le Maboul : « De ce pays [celui de Nimrod], Ashour [le deuxième fils de Chem] sortit et bâtit Ninvé » (Béréchit 10:11). Sur la base du Midrash, Rachi explique qu’Ashour, voyant que ses fils étaient influencés par les plans malfaisants de Nimrod pour construire la tour de Bavel, s’inquiéta pour leur bien spirituel. Il se retira donc de Nimrod et construisit la ville de Ninvé (Béréchit 10:11). C’est probablement la source de la halakha qui enseigne qu’il convient de quitter une ville peuplée de gens mauvais.
Quarante ans de Téchouva à Ninvé
Cet article traite de ce qui arriva à Ninvé après que Yonah eut incité ses habitants à corriger leurs mauvaises voies. On y examine comment la ville retomba dans ses fautes, comment le prophète Na’houm prédit sa destruction, et comment un détail précis de sa prophétie est confirmé par les archives historiques anciennes.
Aujourd’hui, il ne reste que peu de chose de l’ancienne Ninvé. Les ruines de la ville se trouvent sur la rive est du Tigre, au nord-ouest de l’Irak, loin de toute mer. Yonah dut donc voyager vers l’intérieur des terres après être sorti du ventre du poisson. Ces ruines sont aujourd’hui entourées et dominées par la ville de Mossoul, capitale de la province irakienne de Ninawa et deuxième plus grande ville d’Irak. Les archéologues se plaignent que l’urbanisation de Mossoul empiète sur les vestiges de Ninvé et efface les secrets enfouis sous sa poussière.
Ce n’est pas vraiment Ninvé
Parmi les ruines figurent deux grandes buttes nommées Koujunjik et Nabi Younous (le prophète Yonah), entourées par les restes d’un immense rempart de 12 km de long, jadis surmonté d’un mur épais et élevé, flanqué de tours défensives et de portes massives. Plus loin, nous verrons comment une catastrophe naturelle a permis aux ennemis de Ninvé de franchir ces impressionnantes fortifications.
Au sommet de la colline de Nabi Younous se dresse un magnifique sanctuaire construit à l’endroit que la tradition musulmane identifie comme la tombe de Yonah, un lieu également vénéré par les Juifs irakiens et kurdes. Fidèle au récit biblique, on y conserve, dit-on, une dent de baleine.
La localisation de la tombe de Yonah est cependant sujette à controverse. Certains musulmans affirment que le kever de Yonah se trouve dans une mosquée de la ville de Chal’houl, au nord de ‘Hevron, tandis que les Juifs identifient ce lieu comme étant la tombe de Natan HaNavi et de Gad HaChozeh. Une autre tradition situe la tombe de Yonah dans une mosquée du village de Mishad, près de Natsérèt Ilit.
Cette dernière opinion est rapportée par le voyageur du XIIe siècle, Rav Péta’hya de Ratisbonne, qui décrit comment le gardien arabe de la mosquée honorait les visiteurs juifs :
« Lorsque des Juifs arrivent, » écrit Rav Péta’hya, « il les accueille chaleureusement, leur disant : ‘Yonah le prophète était juif ; il est donc juste que vous mangiez de ses [fruits poussant près de la tombe],’ et il leur donne les fruits. » Mishad se trouve à côté des vestiges de Gat-Chefer, mentionnée dans Sefer Melakhim (II, 14:25) comme la ville d’origine de Yonah.
La Téchouva de Ninvé fut éphémère
L’année dernière, nous avions mentionné que les Hazal divergeaient même quant à la sincérité de leur Téchouva. Tandis que la Guémara dans Ta’anit (8b) cite les gens de Ninvé comme des Baalei Téchouva sincères dont l’exemple doit être suivi, le Yérouchalmi (Ta’anit 2:1) dit que « les gens de Ninvé n’ont fait qu’une Téchouva trompeuse » (Pirkei deRabbi Eliézer). Ils ne rendirent que les objets volés visibles, conservant les biens cachés pour eux-mêmes.
Quoi qu’il en soit, Ninvé retomba dans ses fautes jusqu’à atteindre un point de non-retour. « [Hachem] prolongea leur survie de quarante ans, correspondant aux quarante jours qu’Il avait donnés à Ninvé à travers Yonah. Après quarante ans, ils retournèrent grandement à leurs mauvaises actions, et furent ensevelis comme des morts dans la fosse la plus profonde. »
Le point le plus bas de Ninvé
Ninvé atteignit un sommet matériel et un abîme spirituel sous le règne du roi San’hériv. Grâce à sa position stratégique sur le Tigre, la ville devint la capitale de l’empire d’Ashour à cette époque, remplaçant l’ancienne capitale située à Kalakh, toute proche. À ce moment-là, Ashour devint le bâton de la colère divine : « Ashour, verge de Ma colère » (Yéchayahou 10:5), exila les Dix Tribus et attaqua les villes de Yéhouda. Sa campagne contre Jérusalem échoua lorsqu’un ange de Hachem anéantit son armée en une nuit, et il mourut peu après. Comme le rapporte le Séfer Melakhim (II 19:36-37) :
« San’hériv, roi d’Ashour, partit, s’en alla et retourna à Ninvé. Et comme il se prosternait dans le temple de Nisrokh, son dieu, ses fils Adramélèkh et Charatsar le frappèrent avec l’épée. »
En explorant les ruines de Ninvé, les archéologues ont découvert que San’hériv y avait construit un palais gigantesque décoré de statues colossales pesant jusqu’à trente tonnes, orné de nombreuses sculptures glorifiant ses talents de chasseur et de conquérant, ainsi que d’inscriptions relatant ses exploits – réels ou exagérés.
Parmi ces inscriptions, on trouve une description du siège de Jérusalem qui ne mentionne pas sa défaite :
« ‘Hizkiyahou de Yéhouda, qui ne s’était pas soumis à mon joug… je l’enfermai dans Jérusalem, sa ville royale, comme un oiseau en cage. Je construisis des remblais contre elle, et tout homme sortant de ses portes devait payer pour son crime. Ses villes que j’ai pillées, je les ai retranchées de la terre.’ »
À cette époque, Ninvé comptait plus de 100 000 habitants, ce qui en faisait l’une des plus grandes villes du monde.
Mais la ville était en marche vers sa perte. Sous le règne du fils impie de ‘Hizkiyahou, Ménaché, le prophète Na’houm consacra presque tout son livre à annoncer la terrible fin de Ninvé :
« Prophétie sur Ninvé. Livre de la vision de Na’houm l’Elkoshite. Hachem est un D.ieu jaloux et vengeur, Il se venge avec colère. Hachem prend vengeance de ses adversaires, Il garde Sa colère contre Ses ennemis… Hachem est bon, un refuge au jour de la détresse ; Il connaît ceux qui se confient en Lui. Mais avec une inondation débordante, Il mettra un terme total à cette place, et l’obscurité poursuivra Ses ennemis. » (Na’houm 1:1-8)
Tsefania HaNavi prophétisa également une fin amère pour Ninvé :
« Il étendra Sa main contre le nord, Il détruira Assur, et fera de Ninvé une désolation, aride comme un désert. » (Tsefania 2:14)
Jour de jugement
Le jour du jugement arriva quarante ans après que Yonah eut inspiré le peuple à faire Téchouva. En coalition avec d’autres nations, les Babyloniens, Scythes et Mèdes assiégèrent Ninvé pendant trois mois et la détruisirent vers l’an 3318 (447 av. è.c.). La plupart des habitants furent massacrés ou déportés.
Une tablette d’argile antique, connue sous le nom de Chronique de la chute de Ninvé (British Museum no. 21 901), décrit en détail la campagne de quatre ans contre Ashour et la défaite rapide de Ninvé, avec des dates précises :
« Le roi d’Akkad [Babel] et son armée traversèrent le Tigre. [Son allié], Cyaxare, traversa le Radanu, et ils marchèrent le long du Tigre. Au mois de Simanou [Sivan], le [jour manquant], ils campèrent devant Ninvé. Du mois de Simanou jusqu’au mois d’Abou [Av], pendant trois mois, ils soumirent la ville à un siège intense. Le [jour manquant] du mois d’Abou, ils infligèrent une lourde défaite à un grand peuple. À ce moment-là, Sin-shar-ishkun, roi d’Ashour, mourut. Ils emportèrent l’immense butin de la ville et du temple, et transformèrent la ville en un amas de ruines. »
Ce rapport omet cependant un détail mentionné dans la prophétie de Na’houm : celui du grand déluge.
« Par une inondation débordante, Il mettra fin à cette place… Les portes des fleuves seront ouvertes, et le palais sera dissous. » (Na’houm 1:8 ; 2:6)
Cette lacune dans les archives historiques est comblée par Diodore de Sicile, un historien grec ayant vécu environ 350 ans après la chute de Ninvé. Dans son œuvre Bibliotheca Historica, il décrit le siège avec plusieurs inexactitudes (comme prétendre que le siège dura trois ans et que l’Euphrate était impliqué, alors que Ninvé se trouve sur le Tigre), mais il mentionne aussi que, sans l’inondation prédite par Na’houm, Ninvé aurait probablement tenu bon.
« Les rebelles, apprenant la mort de Sardanapale, s’engouffrèrent dans la ville là où le mur s’était effondré, la capturèrent, revêtirent Arbakes du manteau royal, le saluèrent comme roi, et lui confièrent le pouvoir suprême. » (Diod. II 27:1-3)
Jamais plus Ninvé ne retrouva la moindre trace de sa gloire passée. Même la petite ville qui se développa sur ses ruines fut finalement abandonnée. Le premier à cartographier les anciennes ruines fut l’archéologue Claudius J. Rich en 1820. Plus tard, en 1847, l’explorateur britannique Sir Austen Henry Layard découvrit le palais de San’hériv, composé de soixante et onze pièces, ainsi qu’une bibliothèque contenant 22 000 tablettes d’argile inscrites. Les explorateurs européens emportèrent ces trésors sans que personne ne proteste.
Aujourd’hui, les trésors archéologiques de Ninvé sont menacés par le pillage, le vandalisme et l’expansion urbaine de Mossoul. L’an dernier, le Global Heritage Fund a classé Ninvé parmi les douze sites historiques au bord de la destruction irrémédiable.
Pour nous, Ninvé reste à jamais un exemple de la miséricorde de Hachem envers ceux qui se repentent, et de Sa colère contre la ville qui opprima Son peuple.
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