Révéler la Nature du ‘Hessed – La Puissante Force du Don Illimité

 


Révéler la Nature du ‘Hessed – La Puissante Force du Don Illimité


Qu’est-ce que le ‘Hessed et pourquoi est-il le fondement du monde ?

La Séfirah de ‘Hessed est souvent mal comprise comme une simple bonté émotionnelle. En réalité, elle constitue l’une des forces les plus puissantes et fondamentales dans l’ordre divin de la Création. Le verset dans Téhillim déclare :
« Olam ‘Hessed Yibaneh », traduction :
« Le monde sera construit sur le ‘Hessed » (Téhillim 89:3).

Ce n’est pas un simple langage poétique, mais une réalité métaphysique. Le ‘Hessed est l’expression initiale et essentielle de l’expansion divine, le premier élan d’un flux extérieur qui permet à la création d’exister.

Et bien sûr, en tant qu’êtres humains créés à l’image de D.ieu, nous possédons également cette caractéristique intrinsèque.

Le Zohar (I:22a) enseigne que le ‘Hessed est le « bras droit » d’Hachem, le côté du don sans limites. On retrouve également dans les écrits du Arizal, en particulier dans Eitz ‘Haïm (Shaar 10, Deroush 1), que le ‘Hessed tire directement sa source de la lumière de ‘Hokhmah (la Sagesse) et en est le véhicule pour transmettre la vitalité aux mondes inférieurs.

Sans ‘Hessed, les lumières supérieures resteraient contenues et inaccessibles. Ce flux de compassion est ce qui donne la vie, soutient toute existence, et constitue le fondement du voyage spirituel de l’âme.

Cet article s’inscrit dans la série consacrée aux Séfirot de l’Arbre de Vie. Vous pouvez consulter les articles précédents :

‘Hessed comme le Bras Étendu de D.ieu

Comme la plupart des lecteurs le savent, toutes les images que nous utilisons dans la Kabbale sont allégoriques et ne sous-entendent en aucun cas une quelconque physicalité.

L’image kabbalistique du ‘Hessed en tant que « bras droit » n’est pas une simple métaphore au sens courant. Le Zohar (I:22a) associe chaque Séfira à un membre de l’image divine : ‘Hessed est le bras droit, Guevoura le bras gauche, Tiféret le torse. Le bras droit symbolise l’extension pure, le don sans résistance ni retenue. ‘Hessed fonctionne comme la volonté divine de dispenser la bonté sans mesure. Le Arizal, dans Eitz ‘Haïm (Shaar 12, Deroush 2), enseigne que ‘Hessed est la racine de toute hachpa’ah — c’est-à-dire de l’influx spirituel qui apporte la bénédiction à tous les niveaux de la Création.

C’est un point essentiel, car le Rashash enseigne que chaque fois qu’on souhaite faire descendre de nouveaux Mokhin de Gadlout (influx spirituels supérieurs), il faut d’abord les revêtir d’un ‘Hessed particulier venant de Atik Yomin, appelé Yoma ‘Hessed D’Koulhou — « le ‘Hessed quotidien qui englobe tout ».

Cependant, l’influence de cette Séfira est indiscriminée : la différence entre ‘Hessed (bonté gratuite) et Rahamim (miséricorde, compassion — associée à Tiféret) est que ‘Hessed donne sans considération pour celui qui reçoit, tandis que Rahamim tient compte du mérite ou des fautes du bénéficiaire. La compassion est accordée à celui qui est dans une position inférieure, alors que la bonté gratuite perçoit l’autre comme un égal.

Ainsi, ‘Hessed reflète l’attribut divin du ‘hinam (don gratuit), c’est-à-dire un don sans condition préalable — même si cette ouverture contient aussi le potentiel d’un mauvais usage. C’est pourquoi ‘Hessed doit être tempéré par Guevoura. Néanmoins, lorsqu’il est bien canalisé, le ‘Hessed est source de bénédictions immenses et d’élévation spirituelle. Il est la force qui ouvre les portes fermées et fait jaillir la lumière dans l’obscurité.

Le Nom “El” et la Midah de ‘Hessed

L’un des Noms divins les plus associés au ‘Hessed est El (אל). Le Midrash (Chémot Rabbah 3:6) enseigne que chaque Nom divin correspond à un mode spécifique d’interaction avec le monde. Lorsque D.ieu agit avec force et rigueur, Il est appelé Elohim. Lorsqu’Il agit avec miséricorde et bonté, Il est appelé El. Ce Nom apparaît à de nombreuses reprises dans des versets exprimant la miséricorde, comme :
« El ra’houm ve’hanoun » — « D.ieu compatissant et bienveillant » (Chémot 34:6).

Le Arizal explique à plusieurs endroits que méditer sur ce Nom permet d’attirer l’énergie du ‘Hessed dans sa vie.

C’est aussi la raison pour laquelle le Nom El apparaît dans de nombreux Yihoudim (unifications kabbalistiques), en particulier ceux liés à la guérison, à l’abondance et à la compassion. En alignant ses intentions sur le flux divin représenté par El, l’âme devient un canal de bénédiction.

Il est aussi intéressant de noter que le mot Maguen (bouclier) a pour guématria 93, soit trois fois le Nom El (31). Ce Nom est médité notamment dans la première bénédiction de l’Amida, qui conclut par :
« Maguen Avraham » — le bouclier d’Avraham, qui est justement associé à la Midah de ‘Hessed.

‘Hessed chez Avraham Avinou : Le Canal Incarné

Avraham Avinou est universellement reconnu, aussi bien dans les enseignements du Talmud, des Midrashim que dans les écrits des Mekoubalim, comme l’incarnation vivante de la Séfira de ‘Hessed. Le Zohar (I:101b) déclare qu’Avraham était le merkava (char céleste) de ‘Hessed — c’est-à-dire que tout son être servait de réceptacle pur à la bonté divine, pour qu’elle se répande dans le monde.

Ses actes d’hospitalité, de générosité et de proximité avec les autres n’étaient pas seulement motivés par un sens moral ou émotionnel : ils étaient l’expression directe de la Séfira supérieure de ‘Hessed qui s’écoulait à travers lui.

Ce qui rendait le ‘Hessed d’Avraham si exceptionnel n’était pas tant la quantité de bonté qu’il prodiguait, mais sa qualité : son don visait à révéler la réalité du Créateur. Le Midrash (Béréchit Rabbah 54:6) rapporte qu’Avraham nourrissait les voyageurs puis les incitait à bénir Hachem, ouvrant ainsi leurs cœurs à la Source de vie. Sa tente était ouverte sur les quatre côtés (Midrash Tanhouma, Vayéra 4) — non seulement pour offrir abri et nourriture, mais pour imiter l’attribut divin du don sans limite.

Chaque détail de ses actions — accueillir des étrangers, plaider pour les habitants de Sodome, enseigner le monothéisme — était une expression de ‘Hessed enraciné dans une clarté spirituelle et une intention sainte.

En Avraham, nous voyons que la vraie bonté n’est pas un don aléatoire, mais un canal conscient du flux divin dans un monde fragmenté.


Le Danger d’un ‘Hessed Non Maîtrisé

Bien que le ‘Hessed soit une force sacrée et fondamentale, la Kabbale met en garde : lorsqu’il s’écoule sans limites, il peut engendrer des effets négatifs. Le Zohar (II:179b) enseigne qu’un ‘Hessed incontrôlé peut entraîner un chaos spirituel en nourrissant même ceux qui ne sont pas dignes. C’est pourquoi ‘Hessed doit toujours être équilibré par Guevoura, la Séfira de la retenue et des limitations. Le Rav Shalom Sharabi (le Rashash) fait allusion à ce danger en expliquant que ‘Hessed seul distribuerait sans discernement, y compris aux kelipoth (forces d’impureté), permettant ainsi à l’énergie divine d’alimenter des sphères destructrices.

Ce concept n’est pas seulement mystique. Dans la vie concrète, un don mal dirigé peut favoriser la dépendance, la corruption ou une mauvaise utilisation. Inviter un inconnu chez soi ne signifie pas que « tout est permis » ou que tout est à disposition.

Le véritable don spirituel implique du discernement : savoir quand dire oui, mais aussi quand poser des limites. Il ne s’agit pas d’éteindre la compassion, mais de la diriger avec clarté et responsabilité.

C’est ainsi que le ‘Hessed devient plus qu’une bonté émotionnelle : il devient un flux mesuré de la volonté divine dans le monde. (La seule situation où un don sans retenue est valorisé reste la fête de Pourim, où la lumière est si intense qu’on donne même la tsédaka à ceux dont on sait qu’ils ne sont pas méritants.)

Comment le ‘Hessed Éveille une Expansion Spirituelle dans l’Âme

Le Rav Moché Cordovero, dans Tomer Dévorah, enseigne que celui qui imite le trait divin de ‘Hessed fait descendre une lumière dans sa propre âme et répare les défauts spirituels. Lorsqu’une personne donne de façon désintéressée — que ce soit par une aide matérielle, du temps, de la prière ou de la compassion — elle élargit ses « récipients intérieurs » et réveille en elle des dimensions spirituelles cachées. Ce type de don purifie le cœur et aligne l’âme avec son objectif supérieur.

De plus, les actes de ‘Hessed créent des ouvertures spirituelles dans les mondes supérieurs. Le Zohar enseigne que lorsqu’on accomplit un acte de bonté sur terre, un mouvement de miséricorde correspondant est éveillé dans les sphères célestes. Il ne s’agit pas d’un symbole ou d’une image, mais de canaux réels.

Quand on élève autrui par la générosité, on s’élève soi-même. Quand on nourrit un autre, notre propre âme est nourrie. Plus l’intention du don est pure, plus ce don devient un canal d’influence divine — bénéfique pour autrui, mais également transformateur pour celui qui donne.


Compléments de Compréhension sur le ‘Hessed

1. Le ‘Hessed comme Mémoire Spirituelle de la Création
Dans le Sefer HaTemouna (attribué à des sources tanaïtiques mais probablement rédigé durant la période des Gueonim), la Séfirah de ‘Hessed est associée au Zakhor primordial — la mémoire divine. L’idée est que ‘Hessed « se souvient » de l’intention première de D.ieu : créer un monde fondé sur la bonté, et qu’il continue à soutenir cette volonté même lorsque la justice stricte (Din) exigerait une rétractation.

Ainsi, le ‘Hessed devient la force qui maintient la continuité de l’existence, gardant vivante l’intention originelle malgré les complexités et les conflits de l’histoire humaine.

2. ‘Hessed et le Nom à 72 Lettres de Hashem
Selon le Shaarei Orah du Rav Yossef Gikatilla (Porte 5), le ‘Hessed n’est pas seulement associé au Nom divin El (אל), mais aussi au Nom de 72 lettres dérivé des trois versets de Chemot 14:19–21 (connu sous le nom de Shem Vav-Ayin-Bet). Il écrit :

« Shem zeh… shoresh le‘Hessed, veyesh bo koach liftoaḥ tzinorot hashefa. »
« Ce Nom… est une racine du ‘Hessed, et possède le pouvoir d’ouvrir les canaux du flux divin. »

Le lien est fascinant : chaque Nom du Shem Hameforash contient trois lettres, totalisant 216 lettres — guematria de Guevoura. Cependant, le nombre 72 lui-même est la guematria de ‘Hessed. Cela illustre l’équilibre entre la structure (Guevoura, les lettres) et la générosité (‘Hessed, le contenu). Ainsi, le Shem de 72 lettres agit comme clé pour ouvrir les portails spirituels vers la bonté divine.

3. D.ieu a « pensé » créer le monde avec le Din
Le Midrash (Pessikta Rabbati 40) rapporte que D.ieu « a pensé » créer le monde avec la Middat HaDin (justice stricte), mais a vu que le monde ne pourrait pas subsister ainsi. Il l’a donc créé avec ‘Hessed.

La question évidente est : comment D.ieu aurait-Il pu ne pas savoir que le monde ne tiendrait pas ? Pourquoi cette « réflexion » et ce « changement » ?

Le Shelah HaKadosh explique qu’il s’agit d’un enseignement destiné à l’homme :
Nous ne parvenons pas toujours à atteindre les niveaux spirituels que nous devrions viser, mais Hachem nous juge alors avec ‘Hessed. En revanche, nos aspirations, elles, sont jugées avec le Din. Cela signifie que nous n’avons aucune excuse pour ne pas aspirer à la grandeur.

Ainsi, D.ieu a « pensé » créer le monde avec Din pour signifier que nos objectifs doivent viser l’élévation maximale. Mais même lorsque nos actes n’y parviennent pas, Il nous juge avec compassion.

Retour à la Source du Don

Nous l’avons vu, le ‘Hessed n’est pas une simple vertu parmi d’autres — il est la force fondamentale qui sous-tend la création et la continuité de l’existence. Le monde a été formé par un acte divin d’expansion et de don sans retour.

« Vehalakhta bidrakhav » (Devarim 28:9) — « Tu marcheras dans Ses voies », nous enseigne le Sifré. Cela signifie : imiter cette capacité à donner avec sagesse et désintéressement.

À chaque génération, le monde repose sur ceux qui tendent la main, non pas par émotion ou orgueil, mais par alignement avec la volonté divine. Lorsque le ‘Hessed découle d’une sainteté authentique, il devient une force de guérison, d’unité et de lumière.

Puissions-nous mériter d’incarner la Séfirah de ‘Hessed avec vérité, et devenir des récipients de la bonté divine révélée dans le monde.


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